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Lundi 31 mars 2025

23ème jour de Carême

Lundi 31 mars 2025

De Jean 6, 1-15

Jésus s’en alla de l’autre côté de la mer de Galilée, celle de Tibériade.
Une grande foule le suivait, parce qu’ils voyaient les signes qu’il faisait sur les malades. Jésus monta sur la montagne et là, il s’assit avec ses disciples. Or, la Pâque, la fête des Juifs, était proche. Jésus, ayant levé les yeux et voyant qu’une grande foule venait à lui, dit à Philippe : « Où achèterons-nous des pains afin que ceux-ci aient à manger ? » Il disait cela pour l’éprouver, car lui-même savait ce qu’il allait faire. Philippe lui répondit : « Deux cents deniers de pains ne suffisent pas pour que chacun en reçoive un petit morceau. » L’un de ses disciples, André, le frère de Simon Pierre, lui dit : « Il y a ici un garçon qui a cinq pains d’orge et deux petits poissons ; mais qu’est-ce que cela pour tant de monde ? » Jésus dit : « Faites asseoir les gens. » Or il y avait beaucoup d’herbe en ce lieu. Les hommes s’assirent donc, au nombre d’environ cinq mille. Jésus prit les pains et, après avoir rendu grâce, il les distribua à ceux qui étaient assis ; pareillement pour les poissons, autant qu’ils en voulaient. Lorsqu’ils furent rassasiés, il dit à ses disciples : « Rassemblez les morceaux qui restent, afin que rien ne se perde. » Ils les rassemblèrent donc, et ils remplirent douze paniers avec les morceaux des cinq pains d’orge, qui restaient à ceux qui avaient mangé. Alors les gens, voyant le signe qu’il avait fait, disaient : « Celui-ci est vraiment le prophète, celui qui vient dans le monde. » Jésus, sachant qu’ils allaient venir l’enlever pour le faire roi, se retira de nouveau, seul, dans la montagne.

MESSAGE

« Il les fit asseoir, et ils mangèrent autant qu’ils voulaient. »
Le Carême est ce temps où le cœur apprend à avoir faim. Faim de vérité. Faim de vie. Faim de Dieu. En ce 23ᵉ jour, nous nous tenons, comme la foule au bord du lac, épuisés de nos traversées, assoiffés de sens, affamés de consolation. Nous ne sommes pas si différents de ces milliers d’hommes et de femmes qui ont quitté leurs maisons pour suivre le Seigneur Jésus. Ils ne savaient peut-être pas encore ce qu’ils cherchaient, mais ils savaient qu’en lui quelque chose se tenait. Une présence. Une parole qui ne trompe pas. Un regard qui ne juge pas.

Et le Seigneur Jésus les voit. Il lève les yeux. Ce simple geste du Seigneur n’est pas anodin. Dans l’Évangile de Jean, chaque mouvement est chargé de mystère. Lever les yeux, c’est passer du visible à l’invisible. C’est reconnaître la profondeur cachée dans l’ordinaire. Le Seigneur Jésus ne voit pas seulement une foule. Il voit des visages. Des histoires. Des attentes. Il voit aussi la faim qui dépasse le besoin biologique : la faim d’être aimé, reconnu, relevé. Et il choisit de répondre.

Mais il n’agit pas seul. Il commence par poser une question à Philippe. Une question désarmante : : « Où achèterons-nous des pains pour qu’ils aient à manger ? »
Le Fils de Dieu, qui a tout pouvoir, interroge l’homme. Il sollicite sa liberté, son intelligence, sa capacité d’entrer dans une œuvre de compassion. Ce n’est pas qu’il ait besoin de nous. C’est qu’il veut nous y associer. Dieu n’agit pas à notre place. Il agit avec nous.

Philippe, comme souvent dans l’Évangile, pense en gestionnaire : deux cents deniers ne suffiraient pas. Il regarde ce qui manque. Il comptabilise l’insuffisance. Combien de fois faisons-nous de même ? Nous regardons la vie, les responsabilités, le monde, et nous soupirons : ce n’est pas assez. Pas assez de foi, pas assez d’énergie, pas assez de bonté. Nous devenons comptables d’une misère que Dieu voudrait combler.

Mais alors entre en scène un autre personnage, discret : un enfant. Il n’a pas grand-chose. Cinq pains d’orge, deux poissons. Rien qui puisse raisonnablement suffire à cinq mille hommes. Et pourtant, c’est ce peu que Jésus va prendre. Il ne méprise pas la pauvreté de l’offrande. Il la reçoit. Il la bénit. Il la multiplie. Le pain devient surabondance. Le manque devient plénitude. Le peu devient miracle.

Cette scène n’est pas qu’un récit de multiplication. C’est un signe, dit le texte. Un signe qui pointe vers un mystère plus grand : celui du pain vivant, du corps donné, du Seigneur qui rassasie jusqu’à la démesure. Ce geste annonce déjà le Jeudi Saint. Il prépare nos cœurs à accueillir le don total du Seigneur Jésus à la Croix, puis sa victoire éclatante à Pâques.

Il est frappant que notre Seigneur Jésus fasse asseoir la foule. Il les met en position de réception, non d’activité. Ils ne sont pas invités à se lever, à bouger, à mériter ce repas. Ils sont invités à s’asseoir, à se poser, à se laisser nourrir. Comme si la première étape de la foi n’était pas de faire, mais de consentir à être aimé, à être comblé, à ne pas tout contrôler.

Et quand tous ont mangé autant qu’ils voulaient, le Seigneur Jésus demande qu’on ramasse les morceaux restants. Rien ne doit être perdu. Car dans le Royaume de Dieu, il n’y a pas de surplus inutile. Même les restes ont de la valeur. Même les miettes contiennent la mémoire du miracle. C’est une manière de dire aussi que dans la vie spirituelle, aucune étape, aucun détour, aucune douleur n’est à jeter. Tout peut être repris, transfiguré, intégré dans le grand tissage de la grâce.

A vous qui avez pris comme moi de la distance… A vous, frères et sœurs, qui avez quitté l’Église… doucement… sans bruit, ou dans la douleur. A vous qui êtes partis parce que vous étiez blessés, déçus, épuisés. À vous qui ne savez plus si vous y avez encore votre place, ou si Dieu vous y attend encore.

Sachez-le : vous êtes vus. Le Seigneur Jésus, aujourd’hui encore, lève les yeux sur vous. Non pour vous juger, mais pour vous appeler. Non pour exiger, mais pour vous nourrir. Vous n’avez pas à revenir avec un cœur parfait. Il ne vous demande pas d’abord des réponses, mais ce que vous avez. Même si ce n’est qu’un petit pain d’orge, un reste de foi, une nostalgie cachée, une question sans réponse.
Il vous suffit de vous asseoir à nouveau. De cesser de fuir. De laisser le Seigneur Jésus vous approcher. Il connaît votre faim. Il sait ce que vous avez traversé. Et il veut vous combler. Revenez auprès de lui. Vous êtes parti de l’Eglise institutionnelle mais la table du cœur de notre Seigneur n’a jamais été retirée. Votre place n’a jamais été prise. Il reste du pain pour vous.

Bonne route vers Pâques
Didier Antoine

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