
Journal d'un catholique libertaire
Qui a pris ses distances vis à vis de l'Eglise, de sa hiérarchie et de son pouvoir
Jeudi 27 mars 2025
20ème jour de Carême - Mi-Carême

Bénédiction du matin
De Marc 10, 43-46
Jésus disait à ses disciples : « Il n’en est pas ainsi parmi vous. Mais quiconque veut devenir grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur, et quiconque veut être le premier parmi vous, qu’il soit l’esclave de tous. Car le Fils de l’Homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude. »
Message
Nous avons atteint la mi-Carême. Le désert spirituel dans lequel nous nous sommes engagés ne s’ouvre plus comme un départ, mais comme un face-à-face. C’est souvent à mi-chemin que les résistances se lèvent, que le combat devient plus intérieur, plus silencieux, plus vrai. C’est aussi là que peut se jouer un tournant.
Et voici que le passage de l’Évangile de ce jour nous place au cœur d’un renversement fondamental : « Il n’en est pas ainsi parmi vous. »
Notre Seigneur Jésus vient de corriger l’imaginaire de puissance de ses disciples, encore fascinés par une grandeur humaine, marquée par le pouvoir, la reconnaissance, la domination subtile ou déclarée. Mais dans le Royaume du Seigneur, la logique est autre. Elle n’est pas une version adoucie du monde, mais une réelle subversion : le premier est serviteur, le plus grand est esclave de tous.
Les mots grecs sont forts. Le célèbre διάκονος (diakonos), le serviteur actif, celui qui s’abaisse librement pour élever l’autre. Puis δοῦλος (doulos), l’esclave, celui qui n’appartient pas à lui-même, mais qui vit en fonction de la liberté d’un autre. Ce n’est pas de soumission aveugle qu’il s’agit ici, mais d’un amour poussé à sa racine la plus profonde : donner sa vie.
Et notre Seigneur Jésus ne parle pas de théorie. Il est en route vers Jérusalem, où il va donner sa vie, réellement, dans la chair, dans le silence et le sang. Il ne demande pas à ses disciples ce qu’il n’accomplit pas lui-même. Il est le serviteur par excellence, celui annoncé par le prophète Isaïe, celui dont la grandeur passe par la croix.
À mi-chemin de notre Carême, ce texte nous invite à faire un arrêt salutaire. Sommes-nous encore dans une logique de grandeur humaine, même déguisée en mission ? Attendons-nous une récompense à notre générosité ? Sommes-nous prêts à servir sans retour, à aimer sans reconnaissance, à rester invisibles pour que d’autres puissent se relever ?
Le Carême n’est pas un défi moral, c’est une école du regard. Voir autrement. Voir avec le Seigneur Jésus. Se laisser regarder par lui. Et retrouver peu à peu la force de se lever, de le suivre, non comme un chef de file, mais comme un Seigneur crucifié-serviteur.
À vous qui avez pris comme moi de la distance avec l’Église. Peut-être que ce mot même « Église » vous est devenu lourd. Peut-être vous rappelle-t-il des blessures, des paroles fermées, des silences qui ont fait mal. Vous avez peut-être connu des incohérences, vu des hypocrisies, senti un décalage entre ce que vous lisiez de l’Évangile et ce que vous viviez dans les murs d’une paroisse. Peut-être même que vous n’avez jamais vraiment su si vous y aviez votre place.
Mais en ce jour, au cœur du désert, le Seigneur Jésus vous cherche encore. Pas pour que vous rentriez dans un cadre. Pas pour que vous adoptiez un code. Mais parce que vous êtes attendus. Et vous saurez qu’en réalité, il vous attendait depuis longtemps.
Bon Carême à tous
Didier Antoine