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EGLIPE PAPE

La Mort en Spectacle, mon refus du cirque médiatique

28 avril 2025

Au-delà du deuil, c’est la dignité même de la mort qui vacille sous les flashes. Dans un monde ivre d’images, je choisis encore le silence. Car le véritable hommage ne s'affiche pas : il se vit, il se tait, il se prie.

Cercueil fermé, obsèques terminées.

Le rideau est tombé sur l'exposition du corps du pape François. Que les fidèles veuillent lui rendre un dernier hommage, je le comprends bien. C’est un geste d’amour, de gratitude, d’adieu. Mais faire quatre heures de queue pour quelques secondes de recueillement sous la lumière blafarde des caméras ? Là, franchement, je décroche.J'ai du mal à comprendre ce besoin d'étirer la douleur en spectacle, de transformer le recueillement en une forme moderne de procession païenne, vidée de son mystère, livrée aux yeux du monde entier.

 

Ce qui m’a vraiment choqué et je parle ici en mon seul nom ce sont ces déferlantes d’images sur les réseaux sociaux. Des gros plans du visage défunt du pape, exhibés sans commentaire, sans pensée, seulement pour récolter du clic, du "like", du misérable trafic d’émotions instantanées. L'image pure, déconnectée de toute réflexion intellectuelle, de toute pudeur, m'hérisse le poil, m’écœure. Le silence aurait dû être roi. À la place, nous avons eu l’exhibition. Nous avons oublié que face à la mort, il convient de baisser la tête, de prier intérieurement, de se souvenir que c’est Notre Seigneur Jésus-Christ qui est maître de la vie et de la mort.

 

Cela m'a rappelé une histoire de famille, un souvenir pour le moins troublant.Ma tante, une originale, une âme décalée, passait sa vie à photographier tous les membres de la famille dans leur cercueil. Oui, tous, amis compris. A sa mort, ma cousine, en vidant son appartement, est tombée sur un album entier, soigneusement rangé : des photos macabres, des angles grossiers, des gros plans où le temps avait fait son œuvre, jaunit, fissuré, grotesque. Un musée lugubre de visages éteints.

 

À quoi bon ?

Qu'est-ce que cela vient combler dans le cœur humain ? Peut-être une peur viscérale d’oublier, d’effacer la trace des aimés. Ou bien un besoin maladif de garder la preuve que l’autre a bel et bien existé… même dans la décomposition. Et ces commentaires lugubres : « Oh il est beau »… « Ils l’on bien préparé » et autres commentaires plus morbides.

 

Que le Vatican ait autorisé que l'on prenne des photos du pape à l'exception des selfies, fort heureusement cela m’a laissé perplexe. A quoi pensaient-ils ? Il ne manquait plus qu'un influenceur hilare, pouce en l'air devant le corps de François, pour que la farce soit complète, pour que le sacré touche enfin le fond de sa profanation numérique.

 

Moi, je n'ai jamais voulu voir les morts transformés en images. Je n'ai consenti à regarder que ma grand-mère, qui était tout pour moi, et mon petit frère, parti il y a cinq mois, trop rapidement, trop jeune que j'ai vu s'éteindre doucement, avec la lente dignité des âmes pures. Ceux-là, seulement ceux-là, je les ai accompagnés jusqu’à la fermeture de leur cercueil. Les autres, je préfère les garder vivants, dans mon cœur, dans mes souvenirs, dans leur lumière éclairés par le promesse du Seigneur Jésus : « Je suis la « Résurrection et la vie ».

Alors oui, relayer le visage du pape défunt, en très gros plan, me semble obscène… c’est mon avis, et je l’assume. Je ne condamne personne, mais je refuse de participer à cette entreprise d'abaissement collectif.

 

Je vois déjà la suite : les théories complotistes naître dans les recoins humides d'Internet, les polémiques aussi stériles que nauséabondes surgir comme des champignons vénéneux, les commentaires grotesques pulluler, débordants de morbidité et de bêtise crasse. Le vide appelle toujours plus de vide. La mort devient une matière première pour fabriquer du bruit. Maintenant, c’est fini. Enfin.Que François repose en paix, sous le regard de notre Seigneur Jésus loin de nos bavardages numériques, loin de nos indignités.

 

Mais même au terme de cette mascarade, une dernière absurdité a été relayée : deux sièges dressés au beau milieu de Saint-Pierre, installés comme deux trônes, réservés à Trump et Zelenski. Deux chaises posées là comme dans un décor de théâtre, grotesques et hors de propos. Deux chefs d'État plantés là… comme des nouveaux confesseurs, non de l'âme, mais du pouvoir et de l’image.

 

Les images, toujours les images. Le pouvoir, toujours le pouvoir. La mort est devenue un décor de plus dans le grand cirque du monde. Et moi, catholique de cœur mais libertaire d'âme, moi qui ai foi sans idolâtrie, moi qui prie sans obéir aux maîtres de ce siècle, je refuse de jouer dans cette mauvaise pièce. Je choisis encore le silence, le respect et la mémoire vivante. Je choisis d’aimer sans photographier, de pleurer sans exhiber, de croire sans me vendre. Je choisis notre Seigneur Jésus humilié mais vivant, cloué à la Croix, glorifié dans la résurrection, seul véritable Roi, dont la couronne n'est pas d'or mais d'épines, et dont le règne ne passe pas avec les vanités de ce monde.

 

Didier Antoine

Catholique libertaire insignifiant


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