
Journal d'un catholique libertaire
Qui a pris ses distances vis à vis de l'Eglise, de sa hiérarchie et de son pouvoir
EGLISE

Quand l'Esprit saint patiente, regards sur le conclave et la comédie Humaine des internautes
30 avril 2025
Sous les habits solennels du conclave, les ambitions humaines croisent l'ombre discrète de l'Esprit. Dans le silence que laisse le vacarme des hommes, souffle encore la voix de Celui qui choisit sans bruit.
C’est sur toutes les lèvres… tout le petit monde catholique est, pour une fois, unanime… C’est l’Esprit Saint qui va élire notre prochain Pape. Mes amis en sont convaincus et me l’expriment avec solennité, en récitant un credo de manière à s’en convaincre eux-mêmes. Un d’eux est dans ce cas. Quand notre conversation se poursuivit, il m’avoua qu’il espérait que l’Esprit Saint, au final, allait finir par arranger tout cela. J’ai aimé son petit sourire sceptique.
Le conclave prévu le 7 mai
Alors nous avançons vers cette fumée blanche… de la paix. Je ne peux m’empêcher de sourire un peu — c’est mon côté espiègle — même à 63 ans, car sur les réseaux sociaux, c’est déjà carnaval. Les apôtres du « clic », les prophètes « lanceurs d’alerte » et les docteurs en théologie de l’angoisse, les exégètes du complotisme vont commencer à se déchaîner.
La foi à l’épreuve des réseaux
Les chapelles numériques se hérissent… chacun brandit son champion. L’Évangile devient un prétexte de débat… un levier de pouvoir… un étendard pour gifler son prochain plutôt qu’une main tendue pour relever son frère… des joutes verbales au nom de la vérité… dégainées, déformées jusqu’à mettre à terre son interlocuteur : « Aime ton prochain comme toi-même », dit notre Seigneur Jésus. Mais sur les réseaux sociaux, il me semble qu’on préfère : « Détruis ton prochain avant qu’il ne te détrône. »
L’encens des princes
Je regarderai ce brouhaha d’un œil amusé, comme un vieux chien de berger regardant les moutons courir dans tous les sens sans écouter le moindre coup de sifflet… Ces moutons vont s’agiter, s’insulter, spéculer, persuadés chacun d’avoir raison… alors que personne ne verra une faille dans la clôture où, derrière, l’ombre du loup patiente tranquillement, attendant que la confusion fasse le travail à sa place. Je regarderai tous ces vaticanistes, ces bookmakers de la pensée chrétienne qui iront de leur liste : tel cardinal serait trop progressiste… tel autre trop réactionnaire… et l’autre… horreur suprême : il faut absolument un Européen, vu l’état catastrophique du vieux continent. Non ! il nous faut un pape africain : il n’y a jamais eu de pape noir. Pendant ce temps, dans l’ombre odorante d’encens du Vatican, de vénérables princes de l’Église se préparent à jouer la partie, dans une ambiance qui doit ressembler davantage au Sénat romain qu’au Cénacle de la Pentecôte… regards en coin… alliances murmurées… chacun pesant ses mots comme un général avant la bataille. « Tu pousses le bouchon un peu trop loin », me dit mon ami, mais j’adore aller jusqu’au bout des choses. Bon, c’est vrai que j’exagère un peu… aucun cardinal (comme au Sénat romain) n’aura un couteau sous sa soutane… un peu d’humour.
Conclave : quand l’Esprit patiente
Alors oui, notre pauvre Esprit Saint, appelé à la rescousse, va être complètement épuisé pendant le conclave. Pourquoi attend-il plusieurs scrutins pour se faire entendre ?Cinq pour le pape François, quatre pour Benoît XVI et huit pour Jean-Paul II.Les scrutins les plus longs ont eu lieu au XIIIᵉ siècle, où Grégoire X a été élu après trois ans de conclave… Jules III a été élu au XVIᵉ siècle au bout de deux mois de conclave après 61 scrutins. Et Benoît XIV a été élu au bout de six mois de conclave.Le Seigneur Jésus, face à ses apôtres endormis à Gethsémani, soupire en disant : « Ainsi, vous n’avez pas eu la force de veiller une heure avec moi » (Matthieu 26, 40). Mettant ironie et gravité, je pense que l’Esprit Saint, censé inspirer les cardinaux lors du conclave, est ignoré au profit de manœuvres humaines, de marchandages cachés… de calculs… de compromis, et qu’il partage la lassitude de notre Seigneur Jésus face à l’endormissement spirituel de ses disciples.
Quand tombe le vacarme, l’Esprit souffle
Mon scepticisme, nourri par l’Évangile lui-même et non par la contemplation de notre humanité toujours bancale, me pousse quand même à croire que l’Esprit Saint souffle, mais que bien peu ouvrent réellement leurs voiles. Ou peut-être, plus subtilement encore, il attend que les égos tombent, que les ambitions s’essoufflent d’elles-mêmes, et, dans le silence épuisé qui suit le vacarme, dans ce moment où il ne reste que des hommes vidés, dépouillés devant Dieu, il souffle, il inspire, il guide la main fatiguée du cardinal qui soudain vote non pas avec stratégie, mais avec son cœur ouvert.
Notre Seigneur Jésus, qui avait choisi douze pêcheurs balbutiants pour changer la face du monde, n’a jamais compté sur la perfection des instruments pour accomplir son œuvre. Il n’attend pas un pape parfait, ni un peuple parfait, mais seulement des cœurs capables d’entendre, même dans le bazar numérique, le murmure léger de son amour.
Alors oui, la comédie humaine va se jouer, sur scène comme en coulisses, avec des alliances de circonstances. Oui, les réseaux sociaux vont fulminer… moquer… aduler.
Oui, l’Esprit Saint va devoir slalomer avec ces nouvelles données… entre les caméras du monde entier, les hashtags et les petits arrangements humains. Mais au bout du compte, comme toujours, il restera debout, discret et victorieux. Car la vraie élection n’a jamais lieu sur terre. Elle a déjà eu lieu au Golgotha… un vendredi après-midi, quand notre Seigneur Jésus, couronné d’épines, a régné du haut d’une croix.
Didier Antoine REY
Catholique libertaire insignifiant.