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LOURDES 3/3 : Le sanctuaire intérieur

Lundi 25 août 2025

J’ai découvert que le vrai sanctuaire ne se trouve ni dans la foule ni dans la pierre, mais dans ce lieu intérieur où l’on ose déposer ses blessures. Là, au-delà des apparats et des processions, demeure l’espace fragile et secret où Dieu rejoint l’homme en vérité.

Face à Lourdes et à ses foules, j’ai compris une chose essentielle après ma forte dépression violente qui a duré près de trois ans suite à un licenciement brutale d’une institution catholique après quinze ans où j’étais salarié… où je disais tout haut ce que les gens pensaient tout bas. Un coup de massue terrible à cinquante-trois ans. J’ai compris que même au cœur du désespoir, là où tout semblait perdu, quelque chose en moi restait vivant, indestructible : ma liberté intérieure.

Même si je m’en suis remis, j’en garde quelques séquelles : Des fragilités émotionnelles… des troubles cognitifs légers : mémoire ralentie, concentration difficile… une fatigue psychique et une énergie réduite… des bouleversements de mon rapport avec moi-même toujours teintés d’angoisses. j’observe mes émotions avec une attention extrême, ce qui me protège parfois… mais peut aussi devenir une source d’anxiété supplémentaire. J’ai depuis d’énormes difficultés avec le foule des fidèles… et je ne suis pas le seul. J’ai appris que ce ne sont pas les édifices, de pierres ou de marbre… les sanctuaires qui s’élèvent au rythme des dons, qui ne se mesure pas au nombre de pèlerins rassemblés dans un site sacré, des gigantesques processions… des basiliques monumentales, des flots de cierges et de chants qui ne sont que des signes extérieurs, que le véritable sanctuaire pour moi, celui que nul peut détruire ou falsifier, c’est le cœur de chaque croyant… eh oui ! C’est dans cette intimité secrète que se joue la rencontre avec Dieu. Là où personne ne peut tricher… là où la foi se dépouille des apparats. Les pierres des édifices peuvent s’effondrer. Mais tant que le cœur bat, tant que ce sanctuaire intérieur demeure, Dieu est là…  car même un cœur brisé et broyé, Dieu ne le rejette pas nous dit le psaume 51. Dans ce battement secret, même lorsque l’esprit chancelle, vagabonde… que l’âme se croit anéanti… Dieu se tient encore fidèle. C’est dans ce lieu de pauvreté et de vérité que notre Seigneur Jésus nous attend comme auprès de la Samaritaine au puits : non pas sur cette montagne, ni à Jérusalem mais en « Esprit et en vérité » (Jean 4, 21-23).

 

Un pèlerinage peut se vivre en silence, en solitaire… essentiel pour un dépressif dormant. Car une chose qui est bien ancré en moi, c’est que les catholiques fidèles et fervents fuient des frères et des sœurs comme moi, fragiles, blessés et brisés. Ce pèlerinage peut se vivre sur un chemin de campagne ou au détour d’une forêt… sur un simple sentier de montagne, le long d’une source d’eau claire ou d’un littorale. Le but pour moi est de retrouver le silence et la paix intérieure que le bruit du monde étouffe. Dans ce sanctuaire à ciel ouvert, j’ai redécouvert ma fragilité… non pas comme une honte à cacher, mais comme une vérité à accueillir. Ma fragilité est devenue ce lieu secret où Dieu me rejoint, sans apparat ni foule, simplement dans le souffle du vent. Là, je comprends que le pèlerinage n’est pas d’abord une marche vers une basilique, mais un chemin vers moi-même. C’est dans ce dépouillement, loin des regards, que je retrouve la dignité d’exister tel que je suis : blessé, certes, mais vivant, debout, et mystérieusement porté par la nature.

 

Notre Seigneur Jésus lui-même montrait d’exemple. Il quittait justement la foule pour prier seul dans un lieu désert où il gravissait la montagne pour chercher la présence de son Père, notre Père. Un pèlerinage authentique ne demande pas toujours des foules, des sanctuaires ou des processions. Bien au contraire. Il est une démarche intérieure vécu dans la simplicité d’un paysage. J’en ai fait l’expérience, c’est extraordinaire. Nous avons besoin de calme dans notre vie agitée. Notre Seigneur jésus nous rejoint… il écoute notre peine… nos paroles confuses. Puis il ouvre les écritures… sa Bonne Nouvelle. Quand je pélerine, j’emporte toujours avec moi la Bible.

On peut péleriner sans aller obligatoirement dans un lieu sacré. Car péleriner à mon sens ne se réduit pas à rejoindre un sanctuaire, c’est pour moi avant tout une attitude intérieure. On pélerine chaque fois que l’on met ses pas au service d’une quête, chercher un sens… confier une épreuve… déposer une prière. Tout lieu devient sacré si l’on marche avec un cœur en quête ouvert à l’inattendu de Dieu et au murmure discret de la vie qui nous relève. Un pèlerinage, finalement, ce n’est pas aller à Lourdes, à la Salette, à Pontmain ou à Jérusalem. On peut péleriner en prenant un chemin de randonnée mais avec une disposition intérieure particulière. Une randonnée, c’est marcher pour voir le monde. Un pèlerinage, c’est une marche, pour laisser le monde, et surtout Dieu nous voir nous transformer. Une randonnée devient pèlerinage lorsque l’on marche non seulement pour se ressourcer mais aussi pour chercher une rencontre intérieure avec le Seigneur Jésus… avec soi-même, dans la vérité de ses blessures et de ses désirs les plus profonds. Car c’est dans cette rencontre intime, là où se croisent le regard de Dieu et le nôtre, que la marche cesse d’être un simple déplacement et devient un chemin de conversion et de renaissance.

 

Pour accueillir des grâces, il faut impérativement laisser tomber les tumultes qui assiègent notre esprit et déposer le poids des pensées agitées. Ce n’est que dans ce silence intérieur, comme une eau calme que la voix de Dieu peut se refléter de se laisser accueillir.


Je respecte profondément ceux qui trouvent à Lourdes la consolation et la force avec une foi sincère et une démarche légitime. Mais pour ma part, je crois profondément que le Seigneur Jésus ne se laisse pas enfermer dans une grotte, fut elle sanctifiée et entourée de ferveur. Le vrai sanctuaire, ce n’est pas une pierre ni un lieu consacré… c’est mon espace intérieur, fragile et secret où j’ose déposer mes blessures et écouter la voix discrète de mon Seigneur Jésus. Le véritable sanctuaire est celui du cœur où l’homme et la femme se tiennent debout, humble devant Dieu. C’est là, dans le silence de mon âme que la rencontre a lieu. Une rencontre qui ne dépend pas d’une procession, ni d’un rituel mais d’un simple courage de s’abandonner au Seigneur. Le risque de Lourdes, c’est de croire que la rencontre dépend d’un lieu particulier ou d’une personne précise : Marie. L’Eglise a entretenue fortement cela pendant un siècle : le dix-neuvième. De la Rue du Bac en 1830 et Pontmain en 1876 (cinq apparitions) avec un écart entre cinq et seize ans. Un siècle  marqué par une efflorescence d’apparitions mariales, comme si l’Église voulait rappeler sans cesse que Dieu passe par Marie, au risque d’enfermer la foi dans des lieux et des rites. En 1947, ce fut le tour de l’Isle bouchard qui devient un sanctuaire officiel en 2001.


Il y a une dizaine de sanctuaires en France consacré au Seigneur Jésus. Il y a trois mille sanctuaires consacrés à Marie. C’est énorme ! Cependant, je reste un catholique libertaire. Le débat reste ouvert. Le seul et véritable miracle, c’est l’humilité de la foi. C’est le sanctuaire intérieur qui ne connait ni économie, ni spectacle, ni sélection. Et peut-être qu’au fond, le plus vrai, c’est celui qui se vit dans l’intimité du cœur, là où le Seigneur Jésus m’attend.


Didier Antoine,

Catholique libertaires insignifiant

 

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