
Journal d'un catholique libertaire
Qui a pris ses distances vis à vis de l'Eglise, de sa hiérarchie et de son pouvoir
ACTUALITE
80 ans après Auschwitz : Refuser l’oubli et l’indécence des comparaisons
Page publiée le 27 janvier 2025

Auschwitz est un échec du spirituel et du politique : un sombre rappel de la faillite de la foi et des institutions à protéger la dignité humaine, et une interpellation urgente à bâtir un avenir fondé sur la justice, l’amour et la mémoire.
Ce 27 janvier 2025 marque les 80 ans de la libération d’Auschwitz-Birkenau. Huit décennies se sont écoulées depuis que les troupes soviétiques ont pénétré dans ce lieu devenu le symbole de l’indicible. Ce jour-là, les portes d’un enfer bien terrestre s’ouvrirent, révélant au monde entier une mécanique de l’horreur. L’Histoire ne peut suffire à nous prémunir du retour des abîmes. Aussi, cet anniversaire exige de nous bien plus qu’un acte mémoriel : il nous convoque à une véritable réflexion sur notre humanité commune.
En tant que catholique libertaire, cette date résonne avec une intensité particulière. Pour le chrétien que je suis, elle convoque l’Évangile, à commencer par cette phrase de notre Seigneur Jésus : « Ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait. » Elle convoque aussi une conscience politique aiguë : celle qui reconnaît la liberté individuelle et la dignité humaine comme des pierres angulaires non négociables d’une société juste.
Comment concilier foi et liberté face à cette épreuve de l’Histoire ? Pour le chrétien libertaire, Auschwitz est une interpellation permanente. Car si l’Homme est créé à l’image de Dieu, comment a-t-il pu sombrer dans une telle barbarie ? Si la liberté est le plus grand des dons, comment a-t-elle été si aisément pervertie pour servir l’oppression et la destruction humaines ? Ces questions ne trouvent pas de réponse simple, mais elles imposent une vigilance active.
La foi ne peut rester à la surface d’une émotion compassée. Elle est appelée à se confronter au scandale du mal et à trouver, dans l’action, les voies d’une rédemption terrestre. Ce qui s’est passé à Auschwitz fut l’accomplissement ultime d’une logique déshumanisante, qui réduit l’autre à rien, à une donnée logistique, à un numéro tatoué. Chaque fois que nous acceptons de déshumaniser, fût-ce dans le langage, nous entretenons les braises de cet enfer.
Cette commémoration n’est donc pas qu’une étape du devoir de mémoire, mais un appel pressant à la résistance spirituelle et politique. Je ne peux m’empêcher de voir, dans le martyre des innocents d’Auschwitz, l’écho de cette pauvreté de cœur et d’esprit que notre Seigneur Jésus appelle à secourir. Liberté ne veut pas dire indifférence ; elle veut dire solidarité. Elle veut dire accueillir et aimer sans condition. Et c’est là que se joue la plus grande leçon d’Auschwitz : l’humanité ne tient qu’à un fil, celui du respect inébranlable de l’autre.
En ce 80e anniversaire, prions, mais agissons également. Car si l’Histoire enseigne une chose, c’est que l’oubli est le prélude de la répétition. Cultivons une mémoire vive, une foi active et une liberté exigeante. Et adressons un message d’amitié et de fraternité à nos sœurs et frères juifs, qui portent dans leur chair et leur esprit les blessures de la Shoah. Que notre prière commune, ancrée dans l’espérance, soit un pont d’amour et de solidarité.
Mais, en ces temps troublés, je ne peux cacher mon indignation face à ceux qui osent comparer le nazisme à certains dirigeants ou régimes actuels. Ces paroles réduisent la tragédie unique de la Shoah à un simple outil de rhétorique politique. C’est affligeant. Ils ne savent pas ce qu’ils disent. Ils ignorent ou minimisent l’ampleur de la barbarie nazie, cette organisation minutieuse de la mort de millions d’innocents, une horreur sans précédent dans l’Histoire. Comparer l’incomparable, c’est trahir la mémoire des victimes et insulter leur souffrance. Voilà, c’est dit.
Ensemble, souvenons-nous pour éviter que l’Histoire ne bafoue une nouvelle fois la dignité humaine. Nul ne peut se réclamer de la dignité humaine sans être vigilant face aux oppressions d’aujourd’hui. Comme croyants, comme citoyens, comme simples hommes et femmes, soyons les gardiens éveillés de cette liberté qui se conjugue toujours avec l’amour. C’est là, au fond, l’ultime message de l’Évangile, et la plus grande revanche face à ceux qui prétendirent nier l’image de Dieu en l’Homme.
Didier Antoine