Journal d'un catholique libertaire
« Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. »
(Marc 9, 35)

DIMANCHE 19 OCTOBRE 2025
29ème dimanche du Temps Ordinaire - Année C

Bonne Nouvelle de notre Seigneur Jésus en Luc 18, 1-8
1 Jésus disait à ses disciples une parabole sur la nécessité de prier toujours et de ne pas se décourager, 2 disant : « Il y avait dans une certaine ville un juge qui ne craignait pas Dieu et ne respectait pas l’homme. 3 Et il y avait dans cette ville une veuve, et elle venait vers lui, disant : “Fais-moi justice contre mon adversaire.” 4 Et longtemps il ne voulut pas ; mais après cela il dit en lui-même : “Même si je ne crains pas Dieu et ne respecte pas l’homme, 5 toutefois, parce que cette veuve me cause du tracas, je lui ferai justice, afin qu’à la fin elle ne vienne pas sans cesse me frapper sous les yeux.” » 6 Et le Seigneur dit : « Écoutez ce que dit le juge injuste ! 7 Et Dieu ne ferait-il pas justice à ses élus, qui crient vers lui jour et nuit, et tarderait-il à leur égard ? 8 Je vous dis qu’il leur fera justice promptement. Cependant, quand le Fils de l’homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? »
MESSAGE
Notre Seigneur Jésus nous dit une parabole… sur la nécessité de prier toujours, pour ne pas se décourager, pour ne pas perdre courage. Souvent, la fatigue nous fait baisser les bras. Ce n’est pas seulement la lassitude du corps, ni celle de l’esprit, mais celle d’un cœur broyé par la vie, par l’histoire, par le poids des jours.
Cette parabole s’ouvre dans une ville anonyme : « une certaine ville », ordinaire, banale, comme tant d’autres. Là vit un juge sans visage, sans Dieu, sans respect pour l’humain. Il n’a de compte à rendre ni au Ciel, ni à sa conscience.
Face à lui, une femme sans nom : une veuve. Au temps du Seigneur Jésus, la veuve, c’était le symbole de la pauvreté extrême : sans protection, sans pouvoir, sans voix. Et pourtant, elle agit. Elle avance. Elle demande au juge de lui rendre justice contre son adversaire. On ne sait pas le motif. Il n’y a là aucune vengeance, mais le désir profond d’être restaurée, de retrouver sa dignité, de rester debout et vivante. Le juge, lui, ne veut pas. Du moins… pendant un temps. Il refuse… comme ces pouvoirs religieux ou politiques qui jouent la montre devant les injustices, ce qu’on appelle aujourd’hui « la lenteur de l’instruction judiciaire ». Eh oui, cela existait déjà au temps du Seigneur Jésus.
Mais voilà : à force d’insistance, le juge finit par céder. Non par amour, ni par conversion, mais par lassitude. Parce que cette femme lui cause des tracas. Le grec dit : ὑπωπιάζῃ με (hipopiazé mé)… ce qui signifie littéralement : « me frapper sous les yeux », « me donner un coup de poing au visage ». L’ironie est là : le puissant craint le poing invisible de l’obstination de cette veuve. Notre Seigneur renverse alors la situation : « Écoutez ce que dit le juge injuste ! » Puis il oppose le Dieu vivant à ce juge mort de compassion. Dieu, lui, ne peut pas rester sourd. Il est l’opposé du juge sans visage.
Le mot-clé n’est pas « justice » au sens légal. Le mot grec ἐκδίκησις (ekdikésis)… désigne l’acte par lequel Dieu restaure ceux qu’on a piétinés. Ce n’est pas le Dieu qui punit, c’est le Dieu qui relève. Le Dieu qui redresse celui, celle, dont on a brisé la vie. Et pourtant… Notre Seigneur Jésus termine sur une question vertigineuse : « Quand le Fils de l’homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » Ce n’est pas une menace, c’est une inquiétude. Pas celle d’un juge, mais celle d’un ami. Le verbe grec εὑρήσει (euréséï)… « trouvera »… laisse planer un doute : trouvera-t-il encore quelque chose à sauver dans nos cœurs fatigués ? Ce que le seigneur Jésus cherche, ce n’est pas une Église triomphante, ni des dogmes intacts. Il cherche une confiance fragile, tenace, peut-être vacillante, mais vraie. Une foi sans décor, sans couronne, sans mitre, sans dorure. La foi qui subsiste quand tout s’écroule. La foi de ceux qui continuent de croire non pas en l’institution, mais malgré elle.
Et peut-être est-ce là, dans cette fidélité blessée, que le Fils de l’homme trouvera enfin ce qu’il cherche : un visage humain tourné vers le ciel, encore capable d’espérer. À vous tous, qui avez pris de la distance, ou qui vous êtes retirés de l’Église institutionnelle, vous qui avez cru, prié, donné, et qu’on a laissés à la marge, sans se soucier de ce que vous devenez… Vous qui avez vu certaines autorités religieuses, sans visage, prétendre parler au nom de Dieu, et qui n’avez récolté que le mépris, le rejet, ou pire encore : le silence…
Ne perdez pas l’espérance. L’Évangile ne parle pas de soumission, mais d’insistance. La veuve n’attend pas que le pouvoir se convertisse : elle frappe à la porte jusqu’à la fissurer. Elle prie, non pour plaire, mais pour exister. Dieu, lui, n’est pas le juge de pierre : il est celui qui se tient du côté de celle qui réclame justice, celui qui entend le cri avant les mots, celui qui voit votre foi là où d’autres n’ont vu que révolte. Alors vous, les blessés de l’Église, ne laissez pas votre blessure devenir votre chaîne. Continuez à crier, à espérer, à prier, à mésiter à votre manière… car dans votre obstination, dans votre soif de justice et de vérité, se trouve la foi même que le Fils de l’homme cherche encore sur la terre.