
Journal d'un catholique libertaire
Qui a pris ses distances vis à vis de l'Eglise, de sa hiérarchie et de son pouvoir
Crise économique en France ou l’échec d’une élite déconnectée
Page publiée le 22 octobre 2024
Il y a quelque chose de fondamentalement pourri (excusez-moi l’expression) dans l’État français quand un ministre de l’Économie, fort de sa réputation d’expert autoproclamé et d’ancienne gloire de la technocratie, se retrouve soudain, alors que les bras m’en tombent, à devoir justifier – et pas des moindres – un dérapage budgétaire historique.
Bruno Le Maire, désormais ancien ministre, avec ses privilèges dus à son rang, fait face aux questions légitimes de ceux qui veulent en savoir plus sur un déficit passant de 4,4 % à 6,1 % en quelques mois. Les Français ne se voilent pas la face, ils savent, une fois de plus, qu’ils seront bernés. Certes, la France n’en est pas à son premier coup de dépassement de prévisions, mais cette fois-ci, l’excuse de la fatalité économique a des relents de mauvaise foi. Ce qui semble le plus troublant, c’est la révélation de notes confidentielles manifestement inquiétantes, dont Bruno Le Maire aurait eu connaissance et qu’il aurait, j’en suis convaincu, choisi d’ignorer. Alors, qui est responsable ? L’ancien ministre ou les services du ministère, supposés être les plus prestigieux de l’administration française ? Les amis de Bruno Le Maire affirment que les prévisions de recettes fiscales ont été mal estimées par les technocrates de Bercy. Mais quand on connaît l’importance que ces hauts fonctionnaires accordent à leurs projections… vu la situation, le contribuable lambda se demande où se trouve leur compétence.
Le problème est profond : le ministère de l’Économie dispose de plusieurs indicateurs tels que la croissance du PIB, le taux de chômage, l’inflation, l’immigration non contrôlée, des indices de confiance des consommateurs, de leur moral ou de celui des chefs d’entreprise, des indices de production industrielle, y compris l’agriculture (qui ne décolère pas), des régimes sociaux et spéciaux. Le ministère collabore avec l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le Fonds monétaire international (FMI), la Banque centrale européenne (BCE) et tient compte du rapport annuel de la Cour des comptes. Seulement, sur le papier, rien ne va plus, les courbes s’entrecroisent, s’affolent et s’entremêlent dans tous les sens… Le compte n’y est pas.
Si, soi-disant, les prévisions budgétaires étaient défaillantes, comment se fait-il qu’aucune réforme de ces systèmes n’ait été entreprise ? Un ministre est payé par les contribuables que nous sommes… Gouverner, c’est prévoir avec justesse. Si les outils sont défaillants, si les courbes ne sont pas assez analysées… alors oui, les avertissements ont été sacrifiés sur l’autel d’une communication politique trompeuse, dans une tentative désespérée de sauver les apparences. On pourrait presque en rire si ce n’était pas si tragique. L’économie française est au bord du gouffre.
La comparaison est peut-être osée, mais le parallèle avec l’affaire Jérôme Kerviel s’impose… Il y a seize ans déjà (en 2008). Ce jeune trader a été condamné après huit ans de procédure à verser un million d’euros de dommages et intérêts à la banque. Cet ancien trader a été lynché publiquement et condamné à rembourser cette somme astronomique pour ses erreurs de spéculation. Cela a mis en lumière les responsabilités partagées entre Kerviel et la Société Générale. Jérôme Kerviel a été sacrifié sur l’autel des dysfonctionnements dans les systèmes de surveillance des activités de trading. Tandis que les erreurs de prévisions (60 milliards) de nos politiques et des hauts fonctionnaires de Bercy passent sous silence. Si un trader mérite, selon la justice, sa ruine jusqu’à la fin de ses jours pour soi-disant l’exemple de ses imprudences, pourquoi n’aurait-on pas le droit aux mêmes exigences de reddition de comptes vis-à-vis de ceux qui sont censés gérer les finances publiques… de jouer avec notre argent, plus précieux que les fonds d’une banque privée ? Qu’en est-il de ceux qui manipulent notre argent sans en subir les conséquences ?
L’élite politique, à force de se protéger, s’isole de la réalité du pays… rien à faire des citoyens qui n’en peuvent plus. La responsabilité est morale autant que financière, et il est inacceptable que ce fardeau soit encore une fois transféré aux contribuables les plus modestes, qui ne peuvent pas se défendre, et subissent.
La belle aubaine pour le nouveau gouvernement : sous prétexte de la responsabilité budgétaire dévoyée par l’ancien, il nous annonce que la hausse des impôts sera nécessaire. Attendez, le contribuable n’y est pour rien… c’est fort de chocolat. Les pauvres gens qui ont du mal à joindre les deux bouts, les petits retraités verront leurs efforts, le bilan d’une vie, encore ponctionnés pour réparer les erreurs de ceux qui n’ont jamais eu à connaître des fins de mois difficiles. La fiscalité devient alors une punition pour les travailleurs modestes, tandis que les responsables de ce dérapage budgétaire continuent de mener une vie de privilèges et de confort. Qu’on ne s’y trompe pas, ce ne sont pas seulement les impôts qui augmentent, mais aussi ce sentiment d’injustice et de colère. Les Français ne sont pas des idiots, ils voient bien que le discours sur la nécessaire rigueur n’est qu’une manière machiavélique de faire payer les erreurs à ceux qui n’ont pas d’avocats spécialisés dans le camouflage.
C’est le système tout entier qui est en cause. L’État français, dans sa toute-puissance, est incapable de se remettre en question. Les erreurs s’accumulent, les déficits se creusent et la seule réponse qu’il trouve est de réclamer d’autres taxes, d’augmenter celles qui existent déjà ou de déterrer d’anciennes. La réforme, la vraie, celle qui consisterait à mettre fin aux gaspillages, à rationaliser les dépenses publiques, à évaluer l’efficacité des politiques… rassurez-vous, elle n’aura jamais lieu. Profitez que les somnifères soient encore remboursés par la sécu. Il ne peut y avoir de justice dans un pays où l’on punit les petites gens pour les fautes des grands.
En tant que catholique libérale, je ne puis m’empêcher de voir dans cette crise budgétaire le signe d’un échec. Gouverner, ce n’est pas seulement équilibrer des comptes ou édicter des lois, c’est aussi prendre soin du bien commun, agir avec honnêteté et humilité. Notre Seigneur Jésus disait en Luc 16,10 : « Celui qui est digne de confiance dans la moindre chose est digne de confiance aussi dans une grande. Celui qui est malhonnête dans la moindre des choses est malhonnête aussi dans une grande. » Ce verset rappelle l’importance de l’intégrité dans toutes les actions, grandes ou petites, soulignant que la vertu commence par la fidélité aux principes moraux, même dans les affaires les plus ordinaires comme les plus extraordinaires.
Un État digne de ce nom doit se montrer exemplaire et, lorsqu’il échoue, il doit assumer ses conséquences. La vertu n’est pas un luxe que l’on peut s’offrir ou ignorer selon les circonstances, mais une exigence fondamentale pour une société plus juste.
Il est temps que la classe politique prenne conscience que les citoyens ne se contenteront plus de vagues promesses ou d’explications fumeuses. Force est de constater que le résultat des urnes ne sert à rien… jusqu’au jour où… et là, ça risque de faire très mal.
Didier Antoine
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