
Journal d'un catholique libertaire
Qui a pris ses distances vis à vis de l'Eglise, de sa hiérarchie et de son pouvoir
Luc 10, 2

Notre Seigneur disait : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson. »
MESSAGE
Ce verset résonne d’une étrange façon quand on regarde l’Église aujourd’hui. Notre Seigneur Jésus parle d’une moisson abondante, mais où sont les ouvriers ? Où sont ceux qui, à l’image du Seigneur, s’engagent librement et pleinement, sans calcul, sans dogmatisme, sans s’accrocher aux vieilles structures qui peinent à répondre aux soifs contemporaines ?
J’ai longtemps cru au début de ma conversion que les ouvriers dont parle Jésus étaient les prêtres, les religieux, ceux qui portent institutionnellement la parole. Mais avec le temps, et avec la distance prise vis-à-vis de l’Église, une autre lecture s’est imposée. Et si les ouvriers étaient ceux qui, en dehors des cadres établis, œuvrent à faire advenir un Royaume plus juste, plus fraternel, plus libre ? Et si cette moisson était le monde lui-même, avec ses aspirations à la vérité, à la justice, à la beauté ?
L’Église a longtemps voulu organiser la moisson à sa manière, en dressant des frontières entre le sacré et le profane, entre ceux qui sont « envoyés » et ceux qui sont « récoltés ». Pourtant, l’appel du Seigneur Jésus n’a rien d’un appel institutionnel. Il ne dit pas : « Priez pour que Rome envoie des ouvriers formés selon ses critères. » Il dit : priez le maître de la moisson. Et ce maître-là ne se laisse pas enfermer dans des dogmes ou dans des pouvoirs. Alors, si nous avons pris nos distances avec l’Église, cela signifie-t-il que nous avons renoncé à la moisson ? Je ne le crois absolument pas. Le Royaume n’appartient pas aux puissants, aux élites, aux laïcs supérieurs, il germe dans l’invisible, là où des cœurs brûlent encore d’amour et de justice. Peut-être que les ouvriers ne manquent pas, peut-être sont-ils simplement ailleurs, dispersés, libres, insaisissables.
À vous qui êtes loin comme moi, mais toujours en quête,
vous qui avez pris vos distances avec l’Église, vous qui avez été déçus par ses rigidités, ses lenteurs, ses silences coupables, mais qui sentez toujours en vous ce feu indomptable : n’attendez pas d’être validés par une institution pour être des ouvriers de cette moisson. La foi ne meurt pas parce qu’on quitte un cadre, elle se transforme, elle cherche un terrain où s’enraciner autrement. Peut-être qu’en dehors des murs, dans ces espaces où l’air est plus libre, vous êtes déjà en train de récolter ce que d’autres ont semé. Peut-être que sans le savoir, vous êtes ces ouvriers dont parle notre Seigneur Jésus. Alors, ne laissez personne vous dire que vous êtes trop loin. Le maître de la moisson, lui, sait où vous êtes. Et c’est bien là que commence l’œuvre de son Royaume.