
Journal d'un catholique libertaire
Qui a pris ses distances vis à vis de l'Eglise, de sa hiérarchie et de son pouvoir
Mercredi 2 avril 2025
25ème jour de Carême - Laisser le Seigneur Jésus nous transformer

Bénédiction du matin
De l'Evangile de Jean 3, 1-21
Il y avait un homme d’entre les Pharisiens, nommé Nicodème, un chef des Juifs. Celui-ci vint vers Jésus, de nuit, et lui dit : « Rabbi, nous savons que tu es venu de la part de Dieu comme enseignant ; car personne ne peut faire ces signes que toi tu fais, si Dieu n’est pas avec lui. » Jésus répondit et lui dit : « Amen, amen, je te dis : si quelqu’un ne naît d’en haut, il ne peut voir le royaume de Dieu. » Nicodème dit à Jésus : « Comment un homme peut-il naître étant vieux ? Peut-il, une seconde fois, entrer dans le sein de sa mère et naître ? » Jésus répondit : « Amen, amen, je te dis : si quelqu’un ne naît d’eau et d’Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’Esprit est esprit. Ne t’étonne pas que je t’aie dit : “Il vous faut naître d’en haut.” Le vent souffle où il veut, et tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va ; ainsi est tout homme qui est né de l’Esprit. » Nicodème répondit et lui dit : « Comment cela peut-il être ? » Jésus répondit et lui dit : « Tu es le maître d’Israël, et tu ne connais pas ces choses ? Amen, amen, je te dis que ce que nous savons, nous le disons, et ce que nous avons vu, nous l’attestons, et vous ne recevez pas notre témoignage. Si je vous ai dit les choses terrestres, et vous ne croyez pas, comment croirez-vous si je vous dis les choses célestes ? Or personne n’est monté au ciel, sinon celui qui est descendu du ciel — le Fils de l’Homme. Et comme Moïse éleva le serpent dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’Homme soit élevé, afin que quiconque croit en lui ait la vie éternelle. Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que tout celui qui croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle. Car Dieu n’a pas envoyé le Fils dans le monde pour qu’il juge le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. Celui qui croit en lui n’est pas jugé ; mais celui qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru dans le nom du Fils unique de Dieu. Or voici le jugement : la lumière est venue dans le monde, et les humains ont aimé les ténèbres plutôt que la lumière, car leurs œuvres étaient mauvaises. Car quiconque fait le mal hait la lumière, et ne vient pas à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient reprises. Mais celui qui fait la vérité vient à la lumière, afin qu’il soit manifeste que ses œuvres sont faites en Dieu.
Message
C’est dans la nuit que Nicodème se glisse jusqu’à notre Seigneur Jésus. Ce détail n’est pas anodin. La nuit, dans l’Évangile de Jean, est souvent plus qu’un cadre temporel : elle dit l’obscurité intérieure, l’ambiguïté, l’incompréhension, parfois la peur. Nicodème est un homme important, docteur de la Loi, membre du Sanhédrin. Il a le savoir, la légitimité, le respect. Mais quelque chose le pousse, secrètement, à venir à la rencontre de celui dont la lumière dérange les certitudes. Il ne vient pas avec hostilité, comme d’autres pharisiens, mais avec honnêteté, avec cette part du cœur qui sait que malgré l’apparente plénitude, quelque chose manque. Il reconnaît du Seigneur Jésus un maître venu de Dieu, mais il n’en saisit pas encore la portée. Comme beaucoup de chercheurs sincères, il perçoit une lumière sans encore pouvoir l’accueillir pleinement.
Ce que le Seigneur Jésus lui dit est à la fois limpide et déroutant :
« Si quelqu’un ne naît d’en haut, il ne peut voir le Royaume de Dieu. »
Le terme grec « ἄνωθεν » (anothen) signifie à la fois « d’en haut » et « de nouveau ». Et dans ce double sens se trouve l’invitation : non pas seulement recommencer à zéro, mais recevoir une vie qui vient d’ailleurs, du souffle de l’Esprit. Notre Seigneur Jésus ne parle pas de moraliser l’homme ancien, mais de le faire passer… comme Israël traversa la mer… vers une vie transfigurée.
Cette nouvelle naissance, ce n’est pas nous qui la provoquons : elle est donnée, comme on reçoit le souffle, comme on reçoit la vie. « Ce qui est né de la chair est chair ; ce qui est né de l’Esprit est esprit. » Il ne s’agit pas de rejeter la chair, mais de laisser l’Esprit féconder l’humain. De ne pas rester enfermé dans les limites de notre nature blessée, mais d’être tirés vers une vie plus haute… plus libre… plus divine. C’est cela, le cœur du Carême : un passage, une pâque. Une traversée qui n’est pas d’abord un effort moral, mais une disponibilité à se laisser régénérer.
Et c’est là que culmine la révélation de Jésus : « Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique... » Ce verset de ce chapitre est peut-être le plus cité de toute la Bible. Et pourtant, il mérite d’être redécouvert, lentement, presque mot par mot. Dieu a tant aimé. Non pas seulement un amour vague, distant, mais un amour concret, déchiré, qui se livre. Le monde : pas seulement les croyants, pas seulement les purs, mais l’humanité entière, blessée, confuse, parfois hostile. Qu’il a donné : c’est le verbe du don, pas du commerce. Dieu ne vend pas, il n’échange pas, il ne pose pas de condition… il donne. Son Fils unique : non pas un message, une idée, une règle mais quelqu’un. Quelqu’un qui va jusqu’à la croix, non pour condamner, mais pour sauver.
Ce que le Seigneur Jésus révèle ici à Nicodème, et à nous aujourd’hui, c’est le vrai visage de Dieu. Non un juge tapi dans l’ombre, mais une lumière qui vient nous rejoindre, nous relever, nous recréer. Et ce jugement que nous redoutons tant ? Il n’est pas imposé de l’extérieur. Il est déjà là, inscrit dans notre refus ou notre accueil de la lumière : « La lumière est venue dans le monde, et les hommes ont préféré les ténèbres... » Il n’est jamais trop tard pour changer de direction. Il suffit d’un pas vers la lumière, et le reste s’ouvre.
A vous qui avez mis l’Église à distance, pour des raisons que vous êtes seuls à connaître… blessures, lassitude, silence de Dieu ou bruit du monde… ce texte ne vous condamne pas. Il ne vous juge pas. Il vous attend.
Vous n’avez pas à revenir parfaits. Vous n’avez pas à revenir tout court. Ce que le Seigneur Jésus propose, ce n’est pas un retour à une case religieuse, mais un éveil intérieur, une renaissance du cœur. Il ne vous demande pas ce que vous avez fait ou pas fait, cru ou pas cru. Il vous tend la main, aujourd’hui, là où vous êtes, là où vous en êtes.
Le Carême n’est pas réservé aux « pratiquants ». Il est pour tout homme et toute femme qui ose encore espérer que la lumière existe, et qu’elle ne juge pas, mais qu’elle sauve. Il est pour vous… comme Nicodème… peut-être dans la nuit, avec vos questions, vos hésitations, vos silences. Notre Seigneur Jésus n’éteint pas cette petite flamme : il souffle doucement pour qu’elle grandisse. Vous êtes attendus, non pour ce que vous avez été, mais pour ce que vous pouvez devenir. Et si vous faites ne serait-ce qu’un pas vers la lumière, elle fera tout le reste du chemin vers vous. C’est incontestable.
Bon Carême à tous
Didier Antoine