
Journal d'un catholique libertaire
Qui a pris ses distances vis à vis de l'Eglise, de sa hiérarchie et de son pouvoir
Mardi 25 mars 2025
18ème jour de Carême - La femme adultère : la miséricorde divine

Bénédiction du matin
De Jean 8, 1-11
Mais Jésus s’en alla au mont des Oliviers. De grand matin, il retourna au temple, et tout le peuple venait à lui ; il s’assit et se mit à les enseigner. Les scribes et les pharisiens lui amènent une femme surprise en adultère, et, la plaçant au milieu, ils lui disent : « Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère. Or, dans la Loi, Moïse nous a commandé de lapider de telles femmes ; toi donc, que dis-tu ? » Ils disaient cela pour le mettre à l’épreuve, afin d’avoir de quoi l’accuser. Mais Jésus, s’étant baissé, écrivait du doigt sur la terre. Comme ils continuaient à l’interroger, il se redressa et leur dit : « Que celui d’entre vous qui est sans péché jette le premier une pierre contre elle. » Et, s’étant de nouveau baissé, il écrivait sur la terre. Eux, ayant entendu cela, et repris par leur conscience, se retiraient un à un, à commencer par les plus âgés ; et Jésus resta seul, et la femme, là, au milieu. Jésus se redressa et lui dit : « Femme, où sont-ils ? Personne ne t’a condamnée ? » Elle dit : « Personne, Seigneur. » Et Jésus dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas ; va, et désormais ne pèche plus. »
Message
En ce 18ᵉ jour de Carême, ce passage nous invite à faire une halte. Non pas un détour, mais un arrêt salutaire. Dans notre marche parfois aride vers Pâques, entre jeûne, silence, prière et retour à l’essentiel, l’Évangile de la femme adultère (Jean 8, 1-11) nous arrache à toute superficialité pour nous placer devant une vérité brute : celle de notre propre humanité, et celle de la miséricorde infinie de Dieu.
Il ne s’agit pas simplement d’un récit de péché et de pardon. Ce texte est une scène dramatique où se jouent les enjeux les plus profonds du cœur humain : la justice, la culpabilité, la honte, le regard des autres, le regard sur soi. Et surtout : le regard de Dieu.
Ce matin-là, Jésus est assis dans le Temple. Il enseigne. Un lieu sacré, paisible, où le Seigneur s’adresse aux cœurs. Et soudain, l’irruption brutale : des hommes, des voix accusatrices, une femme humiliée, traînée sans ménagement, exposée publiquement. Pas de nom. Elle n’a plus d’identité, seulement un péché : « cette femme a été surprise en adultère ».
Ils ne cherchent pas la vérité. Ils cherchent à piéger le Seigneur Jésus. À faire de cette femme un objet, un instrument de contrôle et de manipulation. Elle est là, « au milieu » … entre la Loi et la Grâce, entre la violence et l’attente d’un salut.
Et le Seigneur Jésus ? Il s’abaisse. Il écrit sur la terre. Il refuse de participer à ce jeu de pouvoir et de honte. Il descend … geste discret, mais lourd de sens. Dieu ne surplombe pas la faute : il s’abaisse pour la rejoindre dans la poussière de notre humanité.
« Que celui d’entre vous qui est sans péché jette la première pierre. » Le Seigneur Jésus ne contredit pas la Loi, il la ramène à sa source : l’amour du prochain, le respect de la personne, la vérité du cœur.
C’est ici que l’Évangile rejoint Matthieu 7, 1-5 : « Ne jugez pas, pour ne pas être jugés ». Ce que Jésus dénonce, ce n’est pas la justice, mais l’aveuglement de celui qui juge sans se juger lui-même. Celui qui voit la faute chez l’autre, mais ne voit pas sa propre dureté, sa propre duplicité, sa propre violence cachée.
Le miracle silencieux se produit : les pierres tombent avant d’être lancées. Un à un, les accusateurs s’en vont. Ce n’est pas le Seigneur Jésus qui les a condamnés : la vérité de sa parole les a fait se regarder en face. Ils ont été rejoints, eux aussi, par la miséricorde.
Et maintenant ? La scène se vide. Il ne reste que deux personnes : Le Seigneur Jésus et la femme. Toute la vérité est là. Le Fils de Dieu, sans péché, face à la pécheresse. Il aurait pu la condamner selon la Loi. Mais il choisit le relèvement : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. »
Le Seigneur ne nie pas le péché. Il ne relativise pas la faute. Mais il ouvre un avenir. Il brise le cycle de la honte, de la peur, de la condamnation. Il lui rend son nom, sa dignité, sa liberté. Il la regarde, non comme une adultère, mais comme une fille de Dieu, capable de repartir, de se relever, de vivre autrement.
Et vous, frères et sœurs, vous qui avez peut-être comme moi quitté les bancs de l’Église. Vous qui vous êtes sentis jugés, exclus, incompris. Vous qui avez été blessés par des discours secs, des regards froids, des comportements incohérents. Vous qui vous êtes éloignés à cause du poids d’un passé, d’un échec, d’une culpabilité, ou simplement parce que plus rien ne semblait vivant dans cette Église qui aurait dû vous tendre la main.
Ce récit est pour vous. Le Seigneur Jésus n’est pas dans le camp de ceux qui accusent. Il ne porte pas les vêtements de la honte. Il n’a jamais brandi une pierre. Il n’a jamais claqué la porte. Il vous cherche encore, là où vous êtes. Il connaît ce que vous portez. Et il continue de dire, dans le silence de votre cœur :« Moi non plus, je ne te condamne pas. »
Le Carême est le temps du retour. Non pas sous le regard d’un juge, mais sous le regard d’un Père, qui vous attend. Il n’est jamais trop tard pour revenir. Pas pour reprendre une place, mais pour retrouver un lien. Juste un lien… simple et discret. Il suffit d’un pas, d’un soupir, d’un « me voici ».
Le désert du Carême peut devenir un lieu de rencontre. Le silence peut redevenir prière. Vos blessures, devenir ouverture. Votre cœur, une terre d’accueil.
Alors, vous qui avez pris vos distances, entendez cet appel : ce n’est pas l’Église parfaite qui vous attend. C’est le Seigneur Jésus vivant. Et il vous appelle par votre prénom.
Bon Carême à tous
Didier Antoine