
Journal d'un catholique libertaire
Qui a pris ses distances vis à vis de l'Eglise, de sa hiérarchie et de son pouvoir
Jeudi 10 avril 2025
32ème jour de Carême

Bénédiction du matin
De l'Evangile de Jean 11, 1-44
Un certain homme était malade, Lazare, de Béthanie, du village de Marie et de Marthe, sa sœur. C’était Marie, celle qui oignit le Seigneur d’huile parfumée et lui essuya les pieds avec ses cheveux ; c’était son frère Lazare qui était malade. Les sœurs donc envoyèrent vers Jésus, disant : « Seigneur, voici, celui que tu aimes est malade. » Mais Jésus, ayant entendu cela, dit : « Cette maladie n’est pas pour la mort, mais pour la gloire de Dieu, afin que le Fils de Dieu soit glorifié par elle. » Or Jésus aimait Marthe, et sa sœur, et Lazare. Quand donc il eut entendu qu’il était malade, il demeura alors deux jours encore dans le lieu où il était. Ensuite, après cela, il dit à ses disciples : « Retournons en Judée. » Les disciples lui disent : « Rabbi, maintenant les Judéens cherchaient à te lapider, et tu y retournes ? » Jésus répondit : « N’y a-t-il pas douze heures dans le jour ? Si quelqu’un marche de jour, il ne trébuche pas, parce qu’il voit la lumière de ce monde. Mais s’il marche de nuit, il trébuche, parce que la lumière n’est pas en lui. » Il dit cela, et après cela il leur dit : « Lazare, notre ami, s’est endormi ; mais je vais le réveiller. » Les disciples donc dirent : « Seigneur, s’il s’est endormi, il sera sauvé. » Or Jésus avait parlé de sa mort, mais eux pensaient qu’il parlait du repos du sommeil. Alors Jésus leur dit ouvertement : « Lazare est mort, et je me réjouis pour vous, afin que vous croyiez, de ce que je n’étais pas là. Mais allons vers lui. » Thomas, appelé Didyme, dit donc aux autres disciples : « Allons, nous aussi, afin de mourir avec lui. » Jésus donc, étant venu, trouva qu’il était déjà dans le tombeau depuis quatre jours. Or Béthanie était proche de Jérusalem, à environ quinze stades. Et beaucoup de Juifs étaient venus vers Marthe et Marie, afin de les consoler au sujet de leur frère. Marthe donc, quand elle entendit que Jésus arrivait, alla à sa rencontre ; mais Marie était assise dans la maison. Marthe dit donc à Jésus : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. Mais maintenant aussi, je sais que tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te le donnera. » Jésus lui dit : « Ton frère ressuscitera. » Marthe lui dit : « Je sais qu’il ressuscitera, à la résurrection au dernier jour. » Jésus lui dit : « Moi, je suis la résurrection et la vie ; celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra. Et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? » Elle lui dit : « Oui, Seigneur, moi j’ai cru que tu es le Christ, le Fils de Dieu, celui qui vient dans le monde. » Et ayant dit cela, elle alla appeler Marie, sa sœur, en secret, disant : « Le Maître est là, et il t’appelle.» Celle-ci, dès qu’elle entendit, se leva vite et alla vers lui. Jésus, en effet, n’était pas encore entré dans le village, mais il était encore au lieu où Marthe l’avait rencontré. Les Juifs donc, qui étaient avec elle dans la maison et la consolaient, voyant que Marie se leva rapidement et sortait, la suivirent, pensant qu’elle allait au tombeau pour y pleurer. Marie donc, lorsqu’elle arriva là où était Jésus, le voyant, tomba à ses pieds et lui dit : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. » Jésus donc, lorsqu’il la vit pleurer, ainsi que les Juifs qui étaient venus avec elle, frémissant en son esprit et troublé, dit : « Où l’avez-vous mis ? » Ils lui disent : « Seigneur, viens et vois. » Jésus pleura. Les Juifs donc disaient : « Voyez comme il l’aimait ! » Mais certains d’entre eux dirent : « Celui qui a ouvert les yeux de l’aveugle ne pouvait-il pas aussi faire que cet homme ne meure pas ? » Jésus donc, frémissant encore en lui-même, vient au tombeau ; c’était une grotte, et une pierre était posée contre. Jésus dit : « Ôtez la pierre. » Marthe, la sœur du mort, lui dit : « Seigneur, il sent déjà ; car il est là depuis quatre jours. » Jésus lui dit : « Ne t’ai-je pas dit que si tu crois, tu verras la gloire de Dieu ? » Ils ôtèrent donc la pierre. Et Jésus leva les yeux en haut et dit : « Père, je te rends grâce de ce que tu m’as écouté. Or moi je savais que tu m’écoutes toujours ; mais à cause de la foule qui se tient autour, j’ai dit cela, afin qu’ils croient que c’est toi qui m’as envoyé. » Ayant dit cela, il cria d’une voix forte : « Lazare, sors dehors ! » Et le mort sortit, ayant les pieds et les mains liés de bandelettes, et son visage était enveloppé d’un linge. Jésus leur dit : « Déliez-le et laissez-le aller. »
Message
Nous sommes à Béthanie. À une poignée de kilomètres de Jérusalem, une scène déchirante se joue dans le cercle intime du Seigneur Jésus : Lazare, son ami, est mort. Quatre jours déjà que la pierre a été roulée sur son tombeau. Quatre jours que la vie semble avoir perdu. Quatre jours que Marthe et Marie attendent, espèrent, désespèrent. Et le Seigneur Jésus ne vient pas. Du moins, pas tout de suite.
Ce retard apparent, loin d’être une négligence, est un mystère. Un temps creusé dans le silence pour révéler l’inattendu de Dieu. Car ce n’est pas seulement un miracle que notre Seigneur Jésus prépare : c’est une révélation. Il ne vient pas uniquement guérir un malade ou consoler deux sœurs ; il vient dévoiler son identité profonde : Il est la Résurrection et la Vie.
Lorsqu’il arrive enfin, Notre Seigneur Jésus ne reste pas maître de ses émotions. Il voit les pleurs de Marie, il voit les pleurs des Juifs venus compatir, et l’évangéliste nous dit alors quelque chose de bouleversant : « Il frémit en son esprit, il se troubla profondément. »
Littéralement, le verbe grec employé évoque une agitation intérieure violente, un bouleversement viscéral. Notre Seigneur Jésus n’est pas seulement triste : il est secoué jusqu’au fond de lui-même. Il pleure. Il tremble. Il gémit. Pourquoi ? Parce que la mort, même quand elle semble « naturelle », même quand elle semble inévitable, n’est pas à sa place. Elle est une intrusion dans le projet de vie que Dieu a pour l’humanité. Le Seigneur Jésus, en ce moment-là, se dresse déjà contre elle. Non pas par de grands discours, mais par une présence habitée, aimante, bouleversée.
Marthe est l’une des grandes figures de ce récit. Elle croit. Elle affirme : « Je sais que tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l’accordera. » Elle espère encore, à sa façon. Mais lorsque Jésus lui dit : « Ton frère ressuscitera », elle se réfugie dans une foi projetée vers le futur : « Je sais qu’il ressuscitera au dernier jour. »
N’est-ce pas souvent ainsi dans notre vie ? Nous croyons, certes, mais à distance. Nous avons la foi, mais nous l’enfermons dans un avenir théorique. Marthe attend la vie plus tard. Le Seigneur Jésus lui dit : « Moi, je suis la résurrection et la vie. » Maintenant. Ici. Pas après la mort, mais dans la mort. Pas dans l’évasion, mais dans l’irruption de Dieu au cœur même de nos ténèbres. Croire, c’est oser croire cela. Que Dieu ne nous sauve pas de loin, mais en entrant dans nos histoires, dans nos deuils, dans nos nuits, et même dans nos tombes.
Alors, arrive ce moment unique, ce sommet du récit : Le Seigneur Jésus, devant la pierre, crie. Il ne murmure pas. Il crie. C’est le seul miracle des Évangiles précédé d’un cri. Un cri qui fend la mort. « Lazare, sors dehors ! » Ce cri n’est pas seulement pour Lazare. Il est pour chacun de nous. Car, à un moment ou à un autre, nous sommes tous enfermés. Dans nos déceptions, nos découragements, nos blessures, nos solitudes, nos fautes ou notre tiédeur. Il y a mille tombeaux dans lesquels notre foi peut s’ensevelir. Et pourtant, aujourd’hui encore, la voix du Seigneur retentit : Sors dehors. Viens à moi. Vis.
Remarquons un détail : Le Seigneur Jésus pourrait tout faire. Il pourrait faire rouler la pierre par sa seule parole. Il pourrait faire tomber les bandelettes en un instant. Et pourtant, il dit : « Ôtez la pierre. » « Déliez-le et laissez-le aller. » Pourquoi ? Parce qu’il nous associe à son œuvre de résurrection. Il fait de nous les témoins actifs de la Vie. Il nous rend responsables les uns des autres. Ce miracle n’est pas une démonstration de pouvoir : c’est une pédagogie de la communion. Une invitation à participer, concrètement, à la libération des autres.
Et vous, qui lisez ces lignes à distance de l’Eglise, non seulement géographique, mais peut-être intérieure, sachez que ce récit vous concerne, vous aussi. Peut-être avez-vous quitté l’Église depuis longtemps. Peut-être avez-vous été blessés par elle, ou simplement usés par le doute, la lassitude, le bruit du monde. Peut-être pensez-vous que le Seigneur Jésus ne viendra plus, qu’il est arrivé trop tard pour vous.
Mais non ! Il n’est jamais trop tard. Même après quatre jours dans la tombe. Même après une vie entière dans l’éloignement. Le Seigneur Jésus ne vous reproche rien. Il vous cherche. Il pleure avec vous. Et surtout, il vous appelle : « Toi, sors dehors. »
Sors de la résignation… de la tristesse… du silence. Reviens à la vie… reviens à toi… reviens à Lui. Vous pouvez vivre votre foi près du Seigneur Jésus même en dehors de l’institution… d’une communauté. Le Carême n’est pas un temps de condamnation : c’est le temps du relèvement. Et Pâques approche. La pierre va être roulée. La lumière va entrer dans vos nuits. Et le Vivant vous dira à vous aussi : « Viens. Je t’attendais. Entre dans la Vie. »
Bonne route vers Pâques
Didier Antoine