
Journal d'un catholique libertaire
Qui a pris ses distances vis à vis de l'Eglise, de sa hiérarchie et de son pouvoir
Dimanche 29 juin 2025
Saints Pierre et Paul

Bénédiction du matin
Bonne Nouvelle de notre Seigneur Jésus en Jean 21, 1-15
Après qu’ils eurent mangé, Jésus dit à Simon Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu plus que ceux-ci ? » Il lui dit : « Oui, Seigneur, tu sais que je t’aime. » Jésus lui dit : « Pais mes agneaux. » Il lui dit une deuxième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » Il lui dit : « Oui, Seigneur, tu sais que je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le berger de mes brebis. » Il lui dit pour la troisième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » Pierre fut attristé de ce qu’il lui avait dit pour la troisième fois : « M’aimes-tu ? » et il lui dit : « Seigneur, tu sais tout, tu sais que je t’aime. » Jésus lui dit : « Pais mes brebis. En vérité, en vérité, je te le dis, quand tu étais plus jeune, tu te ceignais toi-même et tu allais où tu voulais ; mais quand tu seras vieux, tu étendras tes mains, un autre te ceindra et te portera où tu ne veux pas. » Il dit cela pour indiquer par quelle mort Pierre glorifierait Dieu. Et après avoir dit cela, il lui dit : « Suis-moi. »
Message
Ce 29 juin, l’Église célèbre saints Pierre et Paul, deux colonnes de la foi chrétienne, deux routes aussi différentes que convergentes. L’un, Pierre, pêcheur du lac de Tibériade, apôtre des Douze, roc fragile. L’autre, Paul, pharisien converti, théologien de feu, bâtisseur d’Églises. Deux figures inséparables, comme la fidélité et l’audace.
Et pour moi, disciples de Jacques Loew, prêtre, cette fête résonne autrement. Jacques Loew fut de ceux qui ont pris la Parole au sérieux jusqu’à aller vivre parmi les hommes, jusqu’au bout du doute, jusqu’au fond de l’Évangile. Comme lui, nous avons appris à aimer L’Evangile. C’est donc dans cette lumière que je relis ce passage de Jean. Non pas comme une leçon pour ceux qui croient bien, mais comme un appel pour ceux qui, comme croient, croient de travers, croient debout, croient malgré tout.
« M’aimes-tu plus que ceux-ci ? » La question du Seigneur Jésus à Pierre est d’une intensité qui ne supporte ni la demi-mesure ni le faux-semblant. Le verbe utilisé, connu « ἀγαπάω », (agapao) est celui de l’amour sans retour, celui du don total, inconditionnel. Ce n’est pas l’affection tendre, ni la camaraderie. C’est l’amour qui va jusqu’à la croix. Mais Pierre, lui, répond avec « φιλέω » (philéo) : « Tu sais que je t’aime ». « φιλέω » est un amour de l’homme pour ses proche… chaleureux mais vulnérable souvent conditionné par la réciprocité ou l’intimité. Ce n’est pas un amour céleste. C’est un amour humain. Trop humain.
Jésus descend vers Pierre. Il ne lui fait pas la leçon. Il ne l'accuse pas. Il lui confie une mission. Trois fois : « Pais mes agneaux… sois le berger… pais mes brebis ». Trois fois, comme un écho aux trois reniements. Mais surtout : trois confiances données. C’est cela, la miséricorde en action : non pas effacer le passé, mais le transfigurer. Non pas exiger un amour parfait, mais accueillir l’amour vrai, même hésitant.
Et à la troisième question, le grec change : Jésus aussi utilise « φιλεῖς με » ; – « m’aimes-tu comme un frère ? » Il descend à la hauteur de Pierre. Il se met au niveau de la faiblesse humaine. Ce n’est pas Pierre qui monte vers Dieu. C’est Dieu qui s’ajuste à l’homme. Il ne demande plus l’amour absolu. Il prend ce que nous pouvons donner. Et c’est assez pour bâtir une Église.
« un autre te ceindra et te portera là où tu ne veux pas ». Voilà ce que le Seigneur Jésus dit à celui qui veut l’aimer : tôt ou tard, tu perdras la maîtrise. Tu ne décideras plus. Tu seras conduit. Ce n’est pas une punition, c’est une conséquence. Aimer vraiment, c’est accepter de ne plus être le centre. C’est renoncer au contrôle. L’amour libre te rend vulnérable.
Vous qui avez quitté l’institution, qui avez regardé l’Église se perdre dans ses contradictions, ses rigidités, ses silences coupables… Vous qui ne supportez plus qu’on enferme Dieu dans des dogmes ou des hiérarchies… Vous qui avez gardé en vous un amour douloureux, peut-être même caché… ce texte est vraiment pour vous.
Le Seigneur Jésus ne vous demande pas un amour parfait. Il ne vous convoque pas à une obéissance. Il vous regarde comme il regarde Pierre : non pas pour juger, mais pour rencontrer. Il vous demande seulement : « m’aimes-tu, au moins un peu ? » Même si c’est un amour fragile, fissuré par le doute, l’histoire ou la colère. Cet amour-là, notre Seigneur Jésus le prend. Et il vous fait confiance.
Alors, ne laissez personne vous dire que vous êtes dehors. Jésus ressuscité parle sur le rivage. Il ne vous attend pas dans un temple, mais là où vous êtes, là où vous en êtes. Et s’il vous donne une mission… nourrir… veiller… aimer, c’est parce qu’il croit en vous. Encore et encore. Et peut-être, à votre tour, vous sentirez en vous cette voix qui n’impose rien, mais qui ose tout : « Toi, suis-moi. »
Bonne route vers Pâques
Didier Antoine