
Journal d'un catholique libertaire
Qui a pris ses distances vis à vis de l'Eglise, de sa hiérarchie et de son pouvoir
« Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. » (Marc 9, 35)
Faits de société

Quand les enfants s’endorment avec la mort
Vendredi 20 juin 2025
Il ne suffit pas d’éteindre les écrans ; il faut rallumer l’espérance.
Il y a quelque chose de troublant et indécent dans le silence d’une maison où un enfant regarde en cachette la mort sur son téléphone, comme si l’horreur avait trouvé le moyen d’entrer sans bruit, de s’installer dans la nuit, et de voler l’innocence sans que personne ne s’en aperçoive, du moins, pas avant que le mal ne se soit installé dans l’âme.
C’est la réalité, aujourd’hui, maintenant, dans les foyers, dans les écoles, dans les chambres où la lumière bleue des écrans remplace la veilleuse des nuits de la peur innocente.
Des vidéos ultra-violentes, montrant des êtres humains torturés, exécutés, abattus comme dans un jeu, circulent librement. Elles sont visionnées par des enfants de 10, 11, 12 ans. Les plateformes sont impuissantes, ou c’est ce qu’elles veulent nous faire croire... Les algorithmes poussent les enfants à en voir davantage. Les adultes détournent le regard. Et pendant ce temps-là, l’âme de notre jeunesse se désagrège.
On parle beaucoup de la santé mentale des adolescents. On s’étonne de leur agitation, de leur apathie, de leurs troubles du sommeil, de leur violence parfois. Mais comment peuvent-ils grandir dans la lumière quand on les laisse s’endormir dans des ténèbres macabres ?
Au début, ce ne sont que des vidéos « drôles », des clips, des défis absurdes, des filtres rigolos. Puis viennent les images sombres. La fascination pour le morbide. Les accidents. Les bagarres filmées. Les meurtres réels. Les cris. La mort qui devient virale. Ils regardent. Ils s’habituent. Et l’horreur devient divertissement.
Ce n’est pas une dérive isolée. C’est un système. Une guerre invisible menée contre le regard pur des enfants. Contre leur capacité d’émerveillement. Et cette guerre, nous la perdons. Non pas à cause d’ennemis trop puissants, mais à cause de notre résignation.
Les parents sont fatigués. Les enseignants sont dépassés. Les croyants sont découragés. Alors on laisse faire. On tolère. On relativise. Et l’actualité nous dépasse.
Mais moi, je refuse de m’y habituer. Grand-père, je suis indigné. Quand mes enfants avaient une dizaine d’années, c’était la mode de la Nintendo, de la PlayStation. En aucun cas mes enfants n’avaient un écran dans leur chambre. Tout était sous contrôle. Les petites consoles leur étaient retirées pendant la nuit. Aujourd’hui, je passe pour un vieux croûton.
Je suis catholique, et je crois que chaque enfant est une âme précieuse confiée à notre vigilance. Je suis libertaire, et je me méfie des puissances qui prétendent « libérer » les enfants tout en les enfermant dans des cycles d’addiction, d’insensibilité et de vide spirituel.
Je crois que Dieu notre Père pleure lorsqu’un enfant s’endort, non pas avec une prière, non pas avec un livre, non pas avec un chant ou un silence habité… mais avec des images de mort plein les yeux. C’est affreux !
Je crois que le Seigneur Jésus, crucifié, (avouons-le par la violence) mais ressuscité, a donné sa vie pour arracher l’humanité justement de la violence et de la haine, pas pour qu’on en fasse un produit de consommation.
Il faut parler aussi des jeux vidéo en ligne. Pas tous. Mais de ceux qui plongent les enfants dans une spirale de compétitions violentes, d’explosions, de tueries virtuelles qui finissent par contaminer le langage… le comportement… le sommeil… l’âme.
Ces jeux et ces vidéos s’inscrivent dans un rituel du soir, tard, très tard. Leurs visages se ferment. Leurs mots deviennent ceux de la guerre. Ils hurlent, ils insultent, ils s’énervent. Et les parents ne sont pas plus inquiets que cela. C’en devient hallucinant !
Mais depuis quand est-ce normal de faire de la mort un jeu quotidien ? Depuis quand est-ce normal qu’un enfant de 12 ans répète « je me suis fait zigouiller » avec un rire nerveux ? Ce n’est pas un simple jeu. C’est un faux rite d’initiation, un simulacre de passage à l’âge adulte sans encadrement, sans transcendance, sans amour.
Le soir, au lieu de confier leur journée à Dieu, ils s’enfoncent dans un dédale sans fond. Et nous, chrétiens, avons-nous encore le courage de leur parler du Seigneur Jésus, du vrai combat… de la vraie vie… de la main vide tendue vers son prochain ? J’en parle à mon petit-fils… j’évite de faire du prosélytisme, de lui « prendre la tête », comme il dirait.
Il ne s’agit pas de diaboliser la technologie. Elle peut être un outil magnifique. Mais elle exige un discernement, un encadrement, une vigilance. Le mal n’est pas dans l’écran, mais dans l’abandon. Le problème, ce n’est pas que nos enfants voient des choses dures. C’est qu’ils les voient seuls, sans explication, sans filtre moral, sans lumière.
Alors oui, il est temps de reprendre notre rôle d’adultes, de croyants, de témoins.Pas pour punir. Pas pour interdire par principe. Mais pour aimer avec autorité, pour dire non à ce qui détruit, pour dire oui à ce qui élève.
Il est temps d’éteindre les écrans. De prier à haute voix. De relire les Évangiles en famille. De chanter un psaume le soir. D’écouter le silence. Il est temps de redire aux enfants qu’ils sont faits pour la vie, et non pour l’horreur. Qu’ils sont appelés à la beauté, à la bonté, à la joie. Même si cela paraît inaudible, ce n’est pas mon style de la fermer. ;Même si cela paraît ringard, ce n’est pas mon style de courber l’échine devant l’air du temps. Je préfère paraître dépassé que complice. Libertaire, je dénonce le pouvoir des puissants de manipulation. Je préfère parler de Dieu que laisser le néant parler à sa place.
Car si nous, chrétiens, ne proclamons pas la vie, qui le fera ? Si nous nous taisons, les pierres crieront, dit l’Écriture. Eh bien, moi, je refuse que ce soit aux pierres de crier à la place des vivants.
Pendant les vacances de printemps, de Pâques, de mon temps, j’ai emmené mon petit-fils à Montmartre, à Paris. Nous sommes entrés dans la Basilique. Il a vu des cierges allumés. Je lui ai demandé s’il voulait qu’on en allume un pour son papa et sa maman. Il a dit oui. Il a allumé deux veilleuses, et ensemble nous avons prié. C’était court, très court, mais il s’en souvient.
Notre époque est peut-être sombre. Mais elle n’est pas désespérée. Car le Seigneur Jésus n’a jamais cessé d’être là. Même quand tout semble perdu, une simple lampe suffit à éclairer une pièce entière.
Soyons cette lampe. Pour nos enfants, nos petits-enfants. Pour nos familles. Pour ce monde qui meurt d’avoir tout vu, sauf l’essentiel. Car rien n’est plus urgent aujourd’hui que de ramener les enfants vers la lumière. Pas une lumière artificielle.Mais celle, éternelle, du Seigneur Jésus Ressuscité, lumière née de la Croix, flamme d’amour et de vérité que les ténèbres ne peuvent éteindre.
Amen.
Didier Antoine REY
Catholique insignifiant