
Journal d'un catholique libertaire
Qui a pris ses distances vis à vis de l'Eglise, de sa hiérarchie et de son pouvoir
« Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. » (Marc 9, 35)
PLUS JAMAIS CA !

Mélanie n’est plus et cette colère que rien apaise
Vendredi 13 juin 2025
Mélanie n’était pas un symbole, elle était une femme, une mère, une présence quotidienne dans un collège ordinaire. Son nom nous rappelle que derrière chaque drame, il y a une vie, et que derrière chaque silence, une responsabilité.
Mélanie avait 31 ans. Elle était surveillante dans un collège de Nogent. Une femme engagée, appréciée, présente au quotidien pour faire tenir debout une école publique souvent mise à rude épreuve, comme beaucoup d’autres. Elle avait un enfant de 4 ans. Elle croyait en son rôle. Elle a été tuée… par un adolescent de 14 ans… en plein jour, dans l’enceinte même du collège, lors d’une fouille encadrée par les gendarmes. Il n’y a pas de mots pour une telle abomination. Seulement une sidération…une révolte, et une immense prière.
Je ne suis ni un spécialiste de l’enfance délinquante, ni un procureur des réseaux sociaux. Je suis un homme qui croit à la dignité de chaque vie humaine, qui croit en Dieu, et qui pense que la vérité doit être dite. Parce que ce drame n’est pas un fait divers. C’est un miroir de notre société, de ses abandons, de ses silences, et de ce que nous choisissons, ou non, de regarder en face. Et nous n’aimons pas ce que ce miroir nous renvoie.
Le garçon de 14 ans était connu pour des faits de violence. Il avait déjà été signalé. Le préfet l’a dit. Il nourrissait de la rancune contre les surveillants. Une surveillante l’avait réprimandé pour un baiser avec sa petite amie, nous dit-on. Il a ruminé, préparé, voulu frapper « au hasard ». Et c’est Mélanie qui a trinqué. Qui a payé pour les lâchetés de nos politiques.
Ce n’est pas de la folie. Ce n’est pas une pulsion soudaine. C’est un acte. Un acte dirigé, dont l’assassin ne regrette rien. Une tragédie rendue possible par une suite de dysfonctionnements dénoncés depuis des années. Où étaient les garde-fous ? Où étaient les limites ? Où étaient les adultes ? Que font les parents ?
Nous vivons dans une société qui veut tout comprendre, tout excuser, tout fluidifier, sans jamais affirmer. Résultat : la violence jaillit dans les lieux mêmes censés protéger nos enfants, en présence de gendarmes. Et nous restons là, sidérés, sans voix.
Il est temps de dire ce que beaucoup murmurent : les parents ont une responsabilité. On ne parle pas ici d’un accident de parcours. On parle d’un adolescent armé, avec une intention de tuer. Cela ne vient pas de nulle part. Cela se forme, ou se déforme, dans une atmosphère lourde où les repères s’écroulent.
L’autorité familiale ne peut pas être absente ou molle. Elle est la première digue. Chaque jour que Dieu fait, elle est engloutie par le tsunami d’un système qui valorise le laisser-faire, criminalise l’exigence, et oublie que poser des limites, c’est aussi aimer.
Aimer un enfant, ce n’est pas tout lui passer. Ce n’est pas tout lui justifier. Ce n’est pas lui dire qu’il a toujours raison sur tout. C’est le confronter au réel, le guider, le corriger. Et parfois, le remettre à sa place.
Le relativisme éducatif est une illusion dangereuse. Laisser les enfants « s’auto-éduquer », c’est leur faire porter une charge trop lourde pour eux. Et quand tout craque, c’est une Mélanie qui meurt.
Je suis catholique libertaire. Cela ne m’empêche pas d’être en colère. Une colère habitée, celle qui naît du silence de la prière et refuse de s’engouffrer dans la fatalité.Non, on ne pardonne pas sans justice. Et non, la compassion ne doit pas tuer la vérité. Si ce drame n’est pas l’occasion d’un sursaut national, alors c’est que notre société est gravement malade. Ce n’est pas appeler à la haine que de nommer les causes. Ce n’est pas « récupérer » que de vouloir comprendre. Il faut dire les mots, pour ne pas laisser les violences se répéter.
Et puis il y a ce petit garçon. Quatre ans. Il ne comprendra peut-être pas tout de suite ce qui est arrivé. Mais un jour, il demandera : « Pourquoi ? » Il faudra lui répondre. Avec courage et vérité. De toute façon, il la cherchera… quoi que l’on fasse.
Que pensera ce petit garçon, en grandissant, lorsqu’il verra ces images où le président comparait le drame qui a brisé sa mère à une invasion de punaises de lit ? C’est indécent, inhumain, et cela dit tout du mépris qu’on peut avoir pour une vie qui ne compte pas aux yeux du pouvoir.
Et il faudra que, ce jour-là, la société puisse lui dire : « Ta maman était une femme digne. On ne l’a pas oubliée. On a changé quelque chose pour elle et pour les autres. Grâce à elle. » Est-ce que ce jour existera ?
Assez de tiédeur. Assez de rapports. Assez de fatalisme. Il est temps de reconstruire les fondations morales et éducatrices de notre société. Cela ne veut pas dire hurler avec les loups ou céder à la panique. Cela veut dire redonner aux familles, à l’école, à la société, des repères clairs : ce qu’on peut faire, ce qu’on ne peut pas faire. Ce qu’on protège, ce qu’on interdit. Ce qu’on respecte, toujours.
La violence n’est pas une fatalité. Elle est un choix. Mais nous avons, nous adultes, le devoir d’en empêcher la naissance, en éduquant, en veillant, en aimant avec fermeté.
Pour Mélanie. Pour son fils. Pour tous les autres.
« Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés. » (Matthieu 5, 6)
Didier Antoine REY
Catholique libertaire insignifiant