
Journal d'un catholique libertaire
Qui a pris ses distances vis à vis de l'Eglise, de sa hiérarchie et de son pouvoir
Abus sexuels et corporels

Affaire Bétharram : Enquête parlementaire sur une vérité étouffée
Page publiée le 14 mars 2025
Face aux silences coupables et aux dérives institutionnelles, la commission parlementaire ouvre une voie vers une réforme indispensable. Entre douleur et espoir, elle porte la voix de ceux qui réclament vérité, justice et cohérence avec les valeurs évangéliques.
La mise en place de la commission d’enquête parlementaire annoncée par Violette Spillebout (Renaissance) et Paul Vannier (LFI), suite à l’affaire Bétharram, est un signal fort. Pour ceux d'entre nous qui avons vécu dans l'intimité paradoxale d'une foi profonde, mêlée à une défiance grandissante envers l'institution ecclésiale, ce geste résonne autant comme une promesse que comme un rappel douloureux.
Ce douloureux rappel, c'est celui d'une Église dont les silences complices, les mécanismes opaques et les protections institutionnelles ont permis à la violence de s'ancrer, de se répéter, de devenir systémique. Trop souvent, nous avons assisté à ces aveuglements volontaires, à cette tendance à défendre l'institution plutôt que les victimes, à placer le secret au-dessus de la vérité et de la justice.
En tant que catholique libertaire ayant choisi la prise de distance critique vis-à-vis de l'Église, je ne peux que saluer ce travail d'enquête mené par la représentation nationale politiques diverses. Ce choix de transcender les clivages partisans pour dénoncer les abus et exiger des comptes est essentiel. Il nous rappelle que la vérité ne porte pas d’étiquette politique, et qu'elle ne peut souffrir ni demi-mesure ni négociation.
Cependant, cette commission devra aussi interroger en profondeur le fonctionnement même de l'Église en tant qu'institution : une structure souvent hiérarchique, hermétique, où la parole critique peine à s'élever sans être étouffée. Si les violences systémiques se sont installées durablement, c’est parce que le système lui-même les a tolérées, voire facilitées. Ce n’est pas uniquement de justice dont nous avons besoin, c’est aussi d'une profonde réforme des mentalités, d’une redéfinition du pouvoir et des responsabilités au sein de l'Église et de l’enseignement catholique.
Le 20 mars prochain, Alain Esquerre, fondateur (victime) et représentant du collectif des victimes de Bétharram, sera le premier à être entendu, ont indiqué les députés. Ils prévoient également d’auditionner Jean-Marc Sauvé, ancien président de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase). Par ailleurs, des responsables de l’enseignement catholique ainsi que des membres de congrégations religieuses enseignantes pourraient également être convoqués.
Pour ceux d’entre nous qui restent attachés aux valeurs fondamentales d’amour, de justice et de liberté portées par le message évangélique, cette enquête est un pas important. Elle est l’occasion, douloureuse mais nécessaire, d'une prise de conscience collective. Elle est aussi un rappel à la responsabilité : celle de rester vigilants, critiques, toujours prêts à dénoncer les abus, quelles que soient les institutions qui les perpétuent.
Quatre mois, c'est peu pour réparer des décennies de silence et d’oubli volontaire. Mais ces quatre mois peuvent poser les fondations solides d'un changement indispensable, pour enfin aligner la parole de l'Église sur ses actes, et sa pratique sur ses enseignements.
Didier Antoine