
Journal d'un catholique libertaire
Qui a pris ses distances vis à vis de l'Eglise, de sa hiérarchie et de son pouvoir
Antisémitisme à Paris : le silence n’est plus une option
05 juin 2025

Quand la pierre est souillée, c’est l’âme qui se réveille. La foi nous appelle à veiller là où la mémoire est blessée, et à répondre par la prière, la justice et l’amour.
Samedi 31 mai 2025 au matin, Paris s’est levée souillée. Le Mémorial de la Shoah, trois synagogues et un restaurant juif ont été la cible d’un acte aussi odieux que lâche : aspergés de peinture verte, dans la nuit, par des individus venus frapper sans mots, sans revendication, mais avec une violence symbolique. Ce n’étaient pas des graffitis, c’était bel et bien une profanation, un crachat lancé au visage de ceux qui prient, mangent, vivent dans la paix de leur identité juive.
Trois hommes, tous ressortissants étrangers, ont été interpellés alors qu’ils tentaient de quitter la France. Leur anonymat, leur fuite, leur mutisme même disent tout : la haine n’a toujours pas besoin d’étendard pour se répandre. Il suffit d’un pot de peinture verte. Ce qui m’interpelle, c’est que le vert est très associé à l’islam. Il est tout à fait possible que l’utilisation de la peinture verte soit fortuite ; je ne veux en aucun cas avoir une interprétation biaisée, mais j’avoue y avoir pensé.
En tant que catholique libertaire, une fois de plus, je me sens profondément atteint par ces actes antisémites, parce que toute ma foi, toute mon espérance chrétienne plongent leurs racines dans la première Alliance… dans les prophètes, dans l’histoire d’un peuple élu qu’on a tenté d’exterminer. Chaque insulte faite à un Juif est pour moi une offense faite à notre Seigneur Jésus. Il a aimé son peuple jusqu’au bout. S’en prendre à une synagogue, c’est frapper au cœur du Temple.
En tant que libertaire, je refuse qu’on enferme la liberté d’un peuple dans la peur. Je refuse que des hommes, des femmes et des enfants vivent à Paris sous menace, comme dans une enclave… alors que la République leur promet l’égalité.
Quand une minorité est visée, c’est la démocratie qui prend feu et vacille, car ces attaques sont toujours le symptôme d’un affaiblissement du pacte républicain et des valeurs universelles.
La presse parle d’une enquête pour « dégradation en raison de la religion ». La justice dira ce qu’il faut. Mais la conscience, elle, doit parler maintenant… clairement. Ce n’est pas un « fait divers »… c’est une alerte rouge sur le front de l’antisémitisme, une de plus, hélas, dans une France fatiguée de compter ses hontes, mais jamais lassée de les répéter.
Ce geste rappelle celui de l’an dernier : ces mains rouges peintes sur le Mur des Justes. Un geste sans revendication, là aussi. Mais plein de sens pour ceux qui savent lire les symboles de la haine. Ces mains rouges font écho à Ramallah, en 2000, où la barbarie avait été filmée, où des soldats israéliens furent lynchés, et où certains barbares brandissaient des mains de sang comme un trophée de revanche.
Face à cela, je refuse de me taire. Et j’interroge mes frères chrétiens : où est notre voix ? Où est notre compassion ? Où est cette fraternité que nous prêchons dans les Églises, quand des Juifs voient leurs murs repeints en haine ? Ne souvenons-nous plus que notre Seigneur Jésus leur fut livré aux autorités par une foule manipulée… dans l’indifférence, dans le silence… d’une mort agonisante ?
Notre foi chrétienne, si elle est authentique, ne peut pas détourner les yeux de l’injustice. Elle nous commande de veiller, de protéger, de défendre. Je ne veux pas seulement prendre ma plume pour exprimer ma colère, mais pour rallumer une vigilance… une conscience… une lucidité… une exigence. Parce que les actes se répètent. Parce que les mots se moquent… parce que le silence des justes est parfois plus accablant que le vacarme des barbares.
Aux autorités, je demande des actes. Aux concitoyens, je demande du courage. Et à mes frères croyants, je demande de prier sans cesse pour la paix dans leur sphère privée, et d’agir avec justice, humilité et amour là où nous sommes, là où nous en sommes.
Nous avons reçu par la foi un feu qui éclaire et qui dénonce. Ne laissons pas s’éteindre ce feu, mais nourrissons-le par la vérité, la prière et l’engagement.
À ceux qui, cette nuit, ont souillé les pierres du souvenir et des lieux de prière, je leur dis clairement que l’on ne fera pas taire la mémoire avec du vert, du rouge, parce que ce qui est enraciné dans l’âme d’un peuple ne s’efface pas à coups de haine ou de pinceaux. Vous avez aspergé votre haine dans la nuit, lâchement, mais au matin, malgré l’indignation, c’est toujours la lumière qui se lève. Et cette lumière, ce sont nos morts que nous honorons, nos prières que nous élevons… nos luttes que nous poursuivons. Ce que vous avez tenté de profaner, c’est plus qu’un mur ou une pierre : c’est la dignité de l’histoire, la force d’une foi et la mémoire d’un combat.
Alors non, vous n’avez rien détruit, vous avez seulement rappelé pourquoi nous devons rester debout, pourquoi nous devons veiller… pourquoi nous devons transmettre. Et moi, catholique libertaire, je continuerai de marcher en prière et en colère aux côtés de ceux que l’on voudrait faire fuir. Parce que notre Seigneur Jésus n’est pas mort pour que nous soyons indifférents.
Didier Antoine REY
Catholique libertaire insignifiant