
Journal d'un catholique libertaire
Qui a pris ses distances vis à vis de l'Eglise, de sa hiérarchie et de son pouvoir
EVANGELISATION
Redécouvrir l’Évangélisation dans un espace de liberté et de profondeur
Page publiée le 24 janvier 2025

L’Évangélisation, ce mot chargé d’histoire et d’émotions diverses, semble parfois résonner comme un écho lointain, surtout pour ceux qui ont choisi de prendre leurs distances vis-à-vis de l’Église institutionnelle.
Nous sommes nombreux, aujourd’hui, à porter en nous une tension entre une foi vivante, enracinée dans l’Évangile, et des blessures ou des incompréhensions nées au sein de l’Église. Pourtant, ce paradoxe peut devenir un lieu de fécondité spirituelle. C’est précisément depuis cet espace de questionnement et de recherche que nous devons explorer la signification et les implications de l’Évangélisation.
Dans ce contexte particulier, il ne s’agit pas de réhabiliter des structures ou des discours qui ont pu décevoir ou exclure certains, mais de revenir à l’essentiel : le message du Seigneur Jésus. L’Évangélisation ne trouve pas sa source dans une institution humaine, aussi respectable soit-elle, mais dans la personne même du Seigneur Jésus. Ses paroles, ses gestes, sa manière de se rendre proche des plus vulnérables et de réconcilier le monde avec le Père demeurent un appel intemporel, qui transcende nos divisions et nos fragilités.
L’Évangélisation, souvent perçue comme un impératif ou une tâche à accomplir, peut être réinterprétée à la lumière de l’Évangile comme une réponse libre et joyeuse à l’amour de Dieu. Ce n’est pas une obligation imposée de l’extérieur, mais l’éclosion d’une transformation intérieure, un débordement naturel de la lumière que nous avons reçue, même dans nos moments de fragilité, de doute ou de souffrance. Notre Seigneur Jésus lui-même, dans l’Évangile, ne commence jamais par exiger, mais par offrir : il appelle par son regard aimant… il console par sa présence… il guérit par son toucher.
Ainsi, évangéliser ne consiste pas à convaincre à tout prix, mais à témoigner avec simplicité de ce que le Seigneur Jésus a fait dans nos vies. Comme le disait le Seigneur à ses disciples : « On n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais sur le lampadaire, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. Ainsi, votre lumière doit-elle briller devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux. » (Matthieu 5, 15-16). L’Évangélisation n’est pas pour éblouir, mais pour éclairer le chemin des autres avec douceur. Ce témoignage ne s’impose pas, car Dieu lui-même respecte la liberté de chacun : comme le Seigneur Jésus l’a montré avec le jeune homme riche : « Va, vends ce que tu as, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel ; puis viens, suis-moi. » Mais le jeune homme riche, à ces mots, devint sombre et s’en alla tout triste, car il avait de grands biens. » (Marc 10, 21-22). Le Seigneur Jésus propose un chemin, mais laisse toujours chacun de nous libre de sa réponse.
L’Évangélisation est l’affaire de tous, sans exception ni élitisme. Elle se déploie dans la simplicité des gestes et des paroles du quotidien. Son moteur est l’amour du Seigneur Jésus, qui transforme et illumine notre vie. Nous n’avons pas besoin d’avoir un haut diplôme en exégèse ou en théologie pour annoncer l’Évangile. Jésus dit à Dieu, son Père : « Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux savants et de l’avoir révélé aux tout-petits. » (Matthieu 11, 25).
L’Évangélisation s’ancre dans une espérance inébranlable, source de joie et de renouveau. Elle s’incarne dans la simplicité des moments ordinaires, dans les paroles empreintes de bonté, dans les gestes concrets de service et d’attention envers les autres : notre famille… nos amis, nos voisin… et tous ceux qui sont éloignés de l’Église. Ce chemin est animé par l’amour du Seigneur Jésus, un amour qui appelle à la rencontre, à la transformation du cœur et à un témoignage sincère. Enfin, elle repose sur une espérance profonde et inébranlable : celle d’un monde renouvelé par la foi et la lumière de l’Évangile, où chacun est invité à participer à l’œuvre de Dieu.
À travers cet appel, nous comprenons que l’Évangélisation est une dynamique d’amour désintéressé : « Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons. Vous avez reçu gratuitement : donnez gratuitement. »… nous dit le Seigneur Jésus (Matthieu 10, 8). L’Évangélisation, c’est partager la joie d’une rencontre personnelle avec le Seigneur Jésus, non comme une supériorité, mais comme une invitation à découvrir une source de vie et de paix. Dans cet esprit, évangéliser devient un acte de service et d’humilité. Notre Seigneur Jésus dit à ses disciples « Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné, afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. » (Jean 13, 14-15). Notre Seigneur Jésus nous accompagne dans notre quête de sens, sans jamais chercher à forcer la foi, mais en proposant le trésor de l’Évangile avec un cœur ouvert et bienveillant.
Revisitons l’Évangélisation avec un regard neuf, dépouillé des pesanteurs du passé et enrichi par une réflexion personnelle. Cela changera notre existence. L’Évangélisation nous guide vers une redécouverte de ce qu’implique vraiment le partage de l’Évangile : une transformation intérieure, une écoute profonde des enseignements, une immersion dans la complexité du monde contemporain et une recherche d’authenticité dans nos relations avec autrui.
De nombreuses personnes portent en elles des violences… des abus… des blessures profondes… des cicatrices invisibles laissées par des incompréhensions, des jugements, des manquements et des mensonges au sein de l’Église. Notre Seigneur Jésus lui-même a rencontré ces réalités dans sa mission : rejeté par les siens (Jean 1, 11), incompris par ses proches (Marc 3, 21) et trahi par ses amis les plus proches (Matthieu 26, 14-16 ; 26, 69-75). Ces blessures humaines, bien que douloureuses, ne sont pas étrangères à son regard d’amour. Dans l’Évangile, notre Seigneur Jésus ne nie jamais la souffrance, mais il la reçoit, la porte et la transforme.
C’est dans ces lieux de douleur que le Seigneur nous attend, comme il a attendu la Samaritaine au puits (Jean 4, 6-26) ou Thomas dans son doute (Jean 20, 24-29). Il n’exclut personne et rejoint chacun dans sa fragilité, non pour effacer le passé mais pour lui donner un sens nouveau. Lui-même, blessé, humilié, violenté , martyrisé dans sa passion et crucifié, porte dans son corps glorifié les marques de la croix (Jean 20, 20). Ces blessures deviennent des signes de victoire et de rédemption. Ainsi, nos propres blessures, confiées à son amour, peuvent devenir des points de départ pour une transformation intérieure.
Le Seigneur Jésus nous invite à ne pas fuir nos cicatrices, mais à les regarder à la lumière de sa croix et de sa résurrection. Comme le fils prodigue accueilli par son père (Luc 15, 20-24), il nous relève de nos chutes et nous revêt d’une dignité nouvelle. Il nous enseigne à porter un regard de miséricorde sur nous-mêmes et sur les autres, reconnaissant que la force de Dieu s’accomplit dans la faiblesse. À travers nos blessures, il ouvre des chemins de compassion et de solidarité avec nos frères et sœurs qui vivent comme nous des épreuves similaires.
Notre Seigneur Jésus nous envoie ensuite, comme il a envoyé les disciples après la résurrection, non pas en nous appuyant sur nos forces, mais en témoignant humblement de ce que nous avons reçu : son amour qui guérit et transforme. « Vous avez reçu gratuitement : donnez gratuitement. » (Matthieu 10, 8). L’Église, reflet du corps du Seigneur Jésus blessé mais glorifié, est appelée à être un refuge pour les cœurs fatigués, un lieu où la miséricorde prévaut sur le jugement, comme dans la rencontre du Seigneur Jésus avec la femme adultère (Jean 8, 1-11). Si l’Église a parfois failli dans sa mission d’accueil et de miséricorde, cela ne diminue en rien la force et la vérité de l’Évangile. Dans nos moments de solitude ou de doute, nous pouvons toujours nous tourner vers l’Évangile, qui demeure une source inépuisable de paix et de consolation. C’est dans cette relation intime avec la Parole de Dieu que nous pouvons trouver un refuge spirituel, un espace où nous nous reconnectons à l’amour du Seigneur Jésus. Même dans notre sphère privée, chez soi ou en pleine nature, la méditation de l’Évangile nous rappelle que nous sommes infiniment aimés et appelés à une vie de lumière et d’espérance.
Même éloignés de l’Église, nous portons mutuellement nos fragilités et nos espérances, à l’image des disciples d’Emmaüs (Luc 24, 13-35), qui retrouvent la joie en reconnaissant le Seigneur Jésus dans la fraction du pain que nous pouvons faire chez nous. C’est ainsi que, relevés par lui, nous devenons des témoins d’une espérance vivante : celle d’un Dieu qui fait de nos blessures des chemins de vie nouvelle et d’une Église qui ne sait plus comment faire avec les cabossés de la vie.
Notre prière, dans l’Évangélisation, est que chacun puisse trouver une inspiration personnelle, un appel à devenir porteur de l’Évangile là où nous sommes, là où nous en sommes. Redécouvrons l’Évangélisation comme une manière d’être, une discipline spirituelle et un élan d’amour qui transforme d’abord celui qui le porte. Que ce chemin soit pour chacun une occasion de renouer avec l’essentiel et de laisser la lumière de l’Évangile illuminer nos vies et celles de ceux que nous rencontrons.
Didier Antoine