
Journal d'un catholique libertaire
Qui a pris ses distances vis à vis de l'Eglise, de sa hiérarchie et de son pouvoir
TRADITION
La Chandeleur : Une tradition entre héritage païen et christianisation
Page publiée le 1er février 2025

© photolubitel2017
De la célébration des anciennes lumières païennes à la symbolique chrétienne, la Chandeleur a traversé les âges en s’adaptant aux croyances et aux coutumes. Aujourd’hui, elle incarne un moment de partage et de convivialité où la flamme sacrée d’autrefois se transforme en celle des poêles, réunissant familles et amis autour de crêpes dorées et gourmandes.
Chaque année, le 2 février, la Chandeleur marque une tradition incontournable dans notre culture : la dégustation des crêpes… hum !
Chaque année, j’en faisais avec mes enfants… Devenus grands… j’en fais toujours pour mon petit-fils quand il vient nous voir. C’est une belle tradition.
Derrière cet aspect festif se cache une fête aux origines multiples, oscillant entre rites païens et appropriation chrétienne. Comment une célébration associée à la lumière et à la purification a-t-elle évolué en une coutume culinaire ancrée dans nos pratiques contemporaines ? Loin d’être anodine, cette fête illustre la façon dont les traditions se transforment et se réinventent au fil des siècles.
Avant l’ère chrétienne, plusieurs civilisations célébraient, à travers des rites liés à la lumière, un moment de transition entre l’hiver et le printemps. Dans la Rome antique, les « Lupercales » se déroulaient en février en l’honneur de Lupercus, protecteur des troupeaux, avec des processions aux flambeaux censées purifier la ville. De même, dans la tradition celtique, la fête d’« Imbolc », dédiée à la déesse Brigid, marquait le renouveau de la nature et le retour de la lumière. Ces pratiques païennes soulignent une préoccupation universelle : accompagner la transition des saisons et invoquer la prospérité naissante.
Avec l’essor du christianisme, ces rites furent progressivement assimilés et réinterprétés. Au Ve siècle, le pape Gélase Ier institua une fête chrétienne en remplacement des anciennes célébrations : la présentation de Jésus au Temple et la purification de Marie. Cet événement se trouve dans l’Évangile de Luc (2, 22-40).
Du verset 22 à 24 : « Lorsque furent accomplis les jours de purification selon la loi de Moïse, les parents de notre Seigneur Jésus, selon ce qui est écrit dans la loi du Seigneur : "Tout premier-né mâle sera consacré au Seigneur" et pour offrir en sacrifice, selon ce que dit la loi du Seigneur, on donnera un couple de tourterelles ou deux jeunes colombes. »
Ce passage fait écho à la foi énoncée dans le livre du Lévitique (12, 1-8), qui prescrivait qu’une femme devait attendre quarante jours après l’accouchement avant d’être considérée comme rituellement pure et de pouvoir se rendre au Temple. C’est dans ce cadre que Marie et Joseph, suivant la tradition juive, se rendent à Jérusalem avec l’enfant Jésus.
Lors de cette présentation, Syméon, un vieil homme juste et pieux, à qui l’Esprit Saint avait promis qu’il verrait le Messie avant de mourir, reconnaît en l’enfant Jésus « la lumière pour éclairer les nations » (Luc 2, 32) et proclame ce cantique :
« Maintenant, ô Maître souverain, tu laisses ton serviteur s’en aller en paix, selon ta parole, car mes yeux ont vu ton salut que tu as préparé devant la face de tous les peuples, pour une révélation aux nations et gloire de ton peuple Israël. »
Ce passage biblique explique pourquoi la fête de la Chandeleur est associée à la lumière. Les cierges bénits, portés en procession lors des offices religieux, symbolisent le Seigneur Jésus, le Christ, lumière du monde, illuminant les croyants et dissipant les ténèbres. Ainsi, la Chandeleur, du latin candelarum (chandelle), devient une fête religieuse tout en conservant l’imagerie lumineuse des festivités antiques.
Si la dimension religieuse de la Chandeleur persiste, elle s’accompagne progressivement d’un rituel culinaire bien ancré : la confection et la dégustation des crêpes, dont la forme ronde et dorée évoque, par extension, le retour des jours lumineux.
D’autre part, une croyance médiévale suggérait qu’il fallait faire des crêpes pour assurer une bonne récolte, sous peine de malchance. Enfin, la distribution de galettes aux pèlerins par le pape Gélase Ier aurait contribué à populariser cette coutume. Ce glissement du religieux au festif illustre un phénomène récurrent : la survivance des traditions sous des formes réinterprétées par notre culture française.
Ainsi, la Chandeleur témoigne d’une double évolution : d’un rituel païen axé sur la lumière et la fécondité à une fête chrétienne, puis d’une célébration religieuse à une tradition culinaire chaleureuse et conviviale. Cet exemple illustre la manière dont les croyances se superposent et s’adaptent aux évolutions sociétales.
Au-delà de ses racines anciennes, la Chandeleur est surtout un moment de partage et de gourmandise, où l’on se réunit en famille ou entre amis pour déguster des crêpes… dans une ambiance festive qui fait la joie des enfants. Nous avons tous des souvenirs d’enfance… où certaines mamans tentaient de lancer la crêpe en l’air pour la rattraper… des souvenirs des confitures de nos grands-mères… Perpétuant ainsi une tradition, un savoir-faire ancestral teinté de superstition et de bonheur.
De la flamme sacrée des temples antiques à la flamme des poêles de nos cuisines, la Chandeleur symbolise avant tout le lien inaltérable entre rites anciens, transmission des traditions et simple plaisir d’un instant partagé.
N'oublions pas d’allumer une bougie pour faire entrer la lumière dans nos maisons.
Didier Antoine