
Journal d'un catholique libertaire
Qui a pris ses distances vis à vis de l'Eglise, de sa hiérarchie et de son pouvoir
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Au-delà des bombes et des morts : libérations et espoirs sous tension
Page publiée le 20 janvier 2025

Le plus important est de ne plus compter de morts. Dans le tumulte des bombes et l’écho des cris à Gaza, l’exigence de silence s’impose, non comme une fuite, mais comme une urgence vitale.
La guerre, qu’elle prenne le visage d’un missile ou celui d’une rue détruite, est une folie dans laquelle l’humanité s’engloutit, oubliant qu’elle se doit à elle-même une réponse plus haute, plus digne.
Je suis catholique libertaire, et en retrait de mon Église. C’est dans l’éclat silencieux du de notre Seigneur Jésus brisé que je trouve la force de dire ceci : chaque vie humaine a un poids infini. « Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent » (Matthieu 5,44). Et dans cette affirmation, aucun acte terrorisme aucune guerre, aucune vendetta, aucune cause, si noble soit-elle, ne peut justifier l’engloutissement de tant de destinées.
La question du conflit entre Israël et le Hamas n’est pas seulement celle d’un territoire ou d’une identité, mais celle de la possibilité même de la paix. Cette possibilité semble aujourd’hui une idée dépassée, une chimère pour les rêves éveillés, alors que la réalité crépite sous les armes. J’ose croire que le désespoir est une paresse intellectuelle. La paix n’est jamais un état final ; elle est une tension, une lutte acharnée contre nos propres passions destructrices, contre le mal qui trouve en chacun de nous un foyer potentiel.
L’interruption des hostilités, ce fragile cessez-le-feu dont parlent aujourd’hui les chancelleries, est loin de suffire. Pourtant, il est nécessaire. Car comment réparer ce qui est brisé si le marteau continue de frapper ? Comment retrouver une parole commune si les cris d’agonie dominent tout ? Il ne faut pas se leurrer : ce n’est pas un acte de vertu mais une condition minimale.
La libération des otages, qui vient à compte-gouttes, est un début dans ce déluge de violence… ces vies arrachées à l’enfer. Chaque otage encore retenu est un témoignage vivant de notre incapacité à rompre avec la logique infernale de la guerre. Les familles qui attendent, suspendues entre l’espoir et l’angoisse, incarnent le prix humain d’un conflit qui dévore les âmes avant les corps. Notre Seigneur Jésus disait : « Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés » (Matthieu 5, 4).
L’espoir fragile face au poids des tragédies humaines
Il est toutefois essentiel de reconnaître avec fermeté que le Hamas militaire agit comme une organisation terroriste, dont les actes violents et la stratégie de terreur pèsent lourdement sur les perspectives de paix au Proche-Orient. Combattre ce fléau est une obligation morale et politique pour tous ceux qui cherchent une stabilité durable dans cette région. Cela ne saurait toutefois justifier l’aveuglement ou l’indifférence face aux souffrances civiles, car la lutte contre le terrorisme ne peut s’accomplir qu’à travers une vision qui honore la dignité humaine et le droit.
Dans ce contexte complexe, il est à noter que l’élection de Donald Trump a joué un rôle dans l’accélération du cessez-le-feu selon des spécialiste du proche orient… et surtout la libération des otages. Son influence, qu’elle soit perçue comme une pression diplomatique ou une opportunité saisie par les parties, rappelle que les événements mondiaux se tissent souvent dans l’interaction des forces politiques internationales. Cependant, il faut aborder avec prudence la suite des événements, car si cette accélération peut être un espoir, elle pourrait également être fragile. Les engrenages de la paix, comme ceux de la guerre, dépendent toujours d’une vigilance renouvelée.
Le drame de Gaza n’est pas seulement le fruit de la politique ou des stratégies militaires. C’est le produit d’une faillite morale collective qui se répand bien au-delà des protagonistes directs. Le monde regarde, trébuche dans des solidarités à géométrie variable, et s’interdit de poser la question fondamentale : que sommes-nous prêts à perdre pour que d’autres puissent enfin vivre ?
Un appel à la paix par-delà les certitudes
Être catholique libertaire, c’est porter en soi une double révolte : contre l’abus de pouvoir, et contre le fatalisme. Ni l’un ni l’autre ne peut avoir raison dans ce conflit. Il faut désapprendre les postures rigides, les certitudes étriquées, pour laisser place à une véritable rencontre. Mais où trouver ce courage ? Dans cette Église dont j’ai pris de la distance, et que pourtant je chéris encore, une parole subsiste : « Heureux les artisans de paix. » Ce n’est pas un slogan. Elle est une ascèse, un effort de chaque instant pour désamorcer en soi le guerrier.
Alors que faire ? Peut-être commencer par suspendre le jugement, par s’efforcer d’écouter vraiment, non pas avec l’oreille du stratège mais avec celle de l’humain. Refuser de céder à l’illusion de la solution instantanée. Exiger des gouvernants qu’ils cherchent la justice plutôt que l’efficacité. Et surtout, ne jamais oublier que chaque vie épargnée est une victoire sur l’absurde. « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi je vous procurerai le repos » nous dit notre Seigneur Jésus en Matthieu 11, 28)
Je n’ai pas de certitude absolue, si ce n’est celle-ci : le plus important est que le sang cesse de couler. Non pas demain, mais aujourd’hui. Et que, dans ce silence enfin arraché au chaos, puisse s’élever une parole de justice, d’espoir et de réconciliation. Que Dieu m'entende. Didier Antoine