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QUAND UNE BALLE FAIT TAIRE LA PAROLE

mardi 16 septembre 2025

On peut désapprouver un homme, contester ses idées, trouver son discours trop dur, trop fermé, trop conservateur. Mais rien n’autorise à lui ôter la vie. Le meurtre de Charlie Kirk me laisse sans voix, dans l’effroi. Nous avons franchi une ligne où la parole n’est plus affrontée à la parole… mais par une balle.


Je ne partageais pas certaines positions de Charlie Kirk. Elles heurtaient ma conscience : son mépris affiché pour l’immigré, sa défense de la peine de mort, son attachement à une liberté des armes qui nourrit la violence, son rejet de la justice sociale comme si la pauvreté n’était qu’une faute personnelle, ses propos blessants contre les minorités sexuelles et sa position sur l’avortement. Tout cela s’opposait à ma conviction que chaque être humain, sans exception, est porteur d’une dignité irréductible.


Son assassinat est une indignation totale. Parce qu’en lui, ce n’était pas seulement un militant que l’on visait : c’était un époux, un père… un être humain qui portait ses convictions comme d’autres portent les leurs. Sa famille paie le prix d’une haine qui ne discute plus, mais qui frappe.

Il y a dans l’Évangile une place pour une colère légitime. Notre Seigneur Jésus a renversé les tables des marchands du Temple. Il s’est même servi de cordes pour faire un fouet… pour dire. (Mais en aucun cas il n’est rapporté qu’il ait frappé des gens.) La colère peut être un élan vital quand l’injustice devient insupportable. Mais la haine, elle, tue : c’est un véritable poison. Elle déshumanise celui qu’elle vise autant que celui qui la porte. L’assassin n’a pas agi dans la colère, il a choisi la haine, et avec elle la négation radicale de toute liberté.


On croit souvent qu’en éliminant un homme, on efface son message… c’est faux. Au contraire, il est relayé et amplifié. Le sang nourrit les passions, il renforce les camps, rend le dialogue impossible et transforme une voix contestée en vérité figée, qu’on ne peut plus contester ni remettre en cause. On ne débat plus, on se venge, et l’on justifie l’acte du crime. La vengeance est un engrenage qui ne connaît aucune fin, une spirale dans laquelle l’humanité se perd, oubliant qu’elle est faite pour la rencontre et non pour l’anéantissement.


Si la balle remplace la parole, c’est toute la société qui s’aveugle. Si l’on brandit son arme pour exprimer son désaccord, c’est une guerre civile qui se prépare : une fracture qui transforme l’adversaire en ennemi… et le désaccord en champ de bataille.


Ce qui me désole, c’est la médiocrité intellectuelle que l’on voit surgir à la suite de ce drame. Certains, se réclamant d’élites pensantes, vont jusqu’à affirmer que cet assassinat serait la faute du président américain. Je ne suis pas un adepte de Donald Trump, loin de là… mais lui imputer, fût-il controversé, la responsabilité d’un crime commis par un individu armé, c’est sombrer dans l’absurde. C’est instrumentaliser la mort pour régler des comptes idéologiques. Ces discours partisans me navrent. Voir l’intelligence se rabaisser au rang de propagande au lieu de chercher la vérité qui libère, c’est trahir la mission même de la pensée : éclairer, au lieu d’obscurcir.

Être un catholique libertaire, pour moi, c’est ne rien céder ni aux pouvoirs qui écrasent, ni aux idéologies qui divisent. Mais c’est aussi refuser l’illusion qu’un monde meilleur naîtra de cadavres. « Tu ne tueras pas » est un commandement. C’est la condition même pour rester humains ensemble.


Derrière ces invectives, il y a une femme qui pleure, des enfants qui cherchent encore la voix de leur père. La douleur doit nous rappeler que l’acte violent n’a pas seulement frappé un influenceur : il a brisé une famille.


En tuant un homme pour ses idées, on s’en prend à la liberté de tous. Car si l’on ne peut plus parler sans craindre la mort, que reste-t-il ? Il faut oser redire haut et clair : la parole est notre seule arme légitime. Elle peut blesser, choquer, bouleverser, mais elle libère. Et tant qu’elle reste vivante, elle garde ouverte la possibilité d’une réconciliation véritable, d’une justice partagée et d’un monde où le silence n’est plus synonyme de soumission.


Didier Antoine

Catholique Libertaire insignifiant

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