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EGLISE : Affaire Spina, l’Église entre miséricorde prêchée et exclusion pratiquée

samedi 30 août 2025

Rappelons les faits : en 2006, Dominique Spina, prêtre du diocèse, a été condamné pour viol à cinq ans de prison, dont un avec sursis. Il a purgé sa peine. Plus tard, il est revenu, d’après La Dépêche du Midi, au sein du diocèse de Toulouse.


Après sa condamnation pour viol et la fin de sa peine, Dominique Spina a été réaffecté en 2007 dans le diocèse de Toulouse, où il a pris en charge sept églises de l’ensemble paroissial de Fronton-Bouloc-Castelnau, au nord de Toulouse. Ce n’est qu’en 2016, dix ans après le verdict, qu’il a quitté cette responsabilité, officiellement à sa demande, mais dans un contexte marqué par une forte pression médiatique, relayée tant par la presse locale que par une partie de la presse catholique.


En juin 2025, selon France Info, l’évêque de Toulouse, Mgr Guy de Kerimel, a nommé Dominique Spina au poste de « chancelier » du diocèse de Toulouse. C’est un haut poste administratif dans l’organisation de l’Église catholique. Aussitôt, cette nomination a suscité, à juste titre et c’était inévitable, une vive émotion en raison de sa condamnation dix ans plus tôt.


Ma chronique est délicate, car d’après ce que j’ai lu dans la presse, l’évêque de Toulouse assume cette nomination, au nom de la « miséricorde »… sans quoi l’auteur des faits risquerait une « mort sociale ». Il ajoute qu’aucun autre reproche ne lui a été fait depuis trente ans. La position de l’évêque m’a intéressé. C’est une réflexion qui m’interroge, car elle est profondément humaine de la part de Mgr de Kerimel. Bien que je sois scandalisé par les faits, je partage avec mes lecteurs cette réflexion : que faire d’un prêtre condamné pour viol, reconnu coupable par la justice, qui a purgé sa peine ? Cet homme dont la seule formation est d’être prêtre. Voilà un sujet sensible.


Cette affaire n’est pas seulement celle d’un prêtre condamné, elle est le miroir de l’Église catholique… mon Église, même si je m’en suis éloigné… incapable de regarder les choses en face, préférant les dissimuler sous des habillages, des subtilités de langage, des communiqués bien calibrés et des gestes symboliques destinés à rassurer l’opinion. L’intention sincère de l’évêque est aussitôt condamnée. Quoi que l’Église décide de faire ou choisisse de ne pas faire, l’opinion publique est déjà marquée… et elle réagit au quart de tour. Elle est marquée par des décennies de silence, par la douleur des personnes abusées enfin entendues et par l’impression persistante d’une institution qui agit toujours trop tard et jamais assez clairement.


Pendant des décennies, l’institution a protégé les coupables présumés innocents. J’assume ce propos : tant que la justice n’a pas donné son verdict, même si les faits sont scandaleux et abjects. Cependant, je fais une nuance à propos des rapports de la commission qui établissent des faits et osent dire, à juste titre, « des prédateurs ». Pendant des décennies, l’Église a déplacé ces prêtres, sacrifié les personnes abusées. Aujourd’hui, elle fait l’inverse. Au moindre scandale, elle efface, elle exile, elle réduit au silence. Mais dans les deux cas, c’est pour moi la même lâcheté. Hier, le secret. Aujourd’hui, la communication. Jamais le courage. Car le courage, ce serait d’assumer la vérité… toute la vérité. Le vrai courage, ce serait d’écouter vraiment les personnes abusées, de les croire et, dans la foulée, de les encourager à porter plainte. De les accompagner s’il le faut, ou de signaler les faits à la police même après une confession. Le vrai courage, ce serait de ne pas non plus de rejeter les accusés comme des déchets. Ils ont le droit d’être défendus. Le vrai courage, c’est d’agir au moindre soupçon. Il faut impérativement que la justice passe. Et qu’on rassure les victimes car je ne crois pas que la justice se montre clémente envers les hommes d’Église. Cela n’engage que moi.


Peut-être un de mes lecteurs me dira : « Enfin Didier ! Peut-on laisser un violeur, un prédateur, occuper une responsabilité pastorale ? » Bien sûr que non ! La justice doit passer avant tout. Mais faut-il pour autant rayer ce prêtre de l’Église ? C’est le problème de l’institution, pas le mien… mais j’ai le droit de m’exprimer en tant que chrétien. Alors quoi ? Lui dire : « Écoute, ton Église te rejette, l’opinion aussi. Il ne te reste qu’une solution, mon gars. » Certes, c’est le problème de l’institution catholique, mais je dois m’exprimer en tant que chrétien. Le débat reste ouvert, mais je refuse ce faux choix entre l’impunité d’hier et l’exclusion d’aujourd’hui, et je précise : après condamnation : Oui, le crime est terrible. Oui, nous nous rangeons du côté des personnes abusées qui ont eu une vie chaotique, souvent détruite. Le présumé innocent devenu coupable doit-il être jeté dans le caniveau ? Voilà une question qui mérite un débat apaisé. J’avoue que rester fraternel auprès des coupables repentis, même les plus abjects, est très difficile. J’aurais du mal. Mais c’est l’Évangile. Et s’il me tendait la main, que ferais-je ? Je comprends combien il est difficile de pardonner pour les personnes meurtries, quand on a subi des violences sexuelles. Comment le pourraient-elles quand les blessures sont profondes, quand la parole a été si longtemps niée, quand la justice et la reconnaissance ont tant tardé à venir ?


Ma rage…car il y en a une… c’est que les victimes ont crié et auraient dû être protégées. L’Église s’est tue et a détourné le regard. Je ne connais pas le dossier de Dominique Spina, mais la polémique de cet été prouve une chose : l’Église catholique n’a pas véritablement réfléchi sérieusement à la place de ses prêtres condamnés. Elle restera hypocrite tant qu’elle n’osera rien dire. La question demeure : que faire d’un prêtre condamné par la justice pour violences sexuelles, qui a purgé sa peine et dont la seule formation est d’être prêtre ? L’Église se trouve face à un dilemme : l’exclusion pure et simple… l’abandonner à son sort, à une mort sociale, comme le disait l’évêque, un retour à l’état laïc au sein de l’Église, sans l’exclure totalement ?


Pour moi, c’est simple : s’il est reconnu coupable, son retour à un ministère pastoral est impensable. Il trahirait les victimes et provoquerait un scandale. Il ne doit plus être prêtre, pour la simple et bonne raison qu’il ne doit plus célébrer des messes en petit comité, dans un cercle privé où il invite des fidèles, ni confesser qui que ce soit. C’est évident, car cela exposerait les fidèles à une relation spirituelle trop risquée. Cela dit, il ne faut pas non plus le condamner à une mort sociale. Pour un prêtre condamné, cela signifie que, s’il est totalement écarté de toute fonction et abandonné par la communauté, il risque de n’avoir plus aucune place dans la société ni dans l’institution, comme s’il n’existait plus. C’est dans ce sens que l’évêque de Toulouse a voulu s’exprimer et je trouve qu’il a bien fait. De là à lui confier un poste crucial dans la haute hiérarchie, j’avoue que cela dépasse l’entendement et révèle, une fois encore, l’aveuglement persistant de l’institution. Certains médias en raffolent. Je n’aimerais pas être à la place de cet évêque. Ce qui m’interroge aussi, c’est qu’il savait que cela arriverait. Alors que faire de Dominique Spina ? Que lui proposer ? Et pour d’autres ? Comment affronter les crises quand on prêche la miséricorde ? Comment maîtriser une communication si l’on est obsédé par le souci de sauver avant tout l’image de l’Église ?


Pour moi, catholique libertaire insignifiant, le vrai défi n’est pas de sauver l’image de l’Église, mais de rester fidèle à l’Évangile, même quand cela coûte cher. Car une Église qui choisit la lumière de l’Évangile plutôt que l’ombre de ses calculs peut perdre du prestige aux yeux du monde, mais elle retrouve l’essentiel : la vérité qui libère, l’humilité qui ouvre au pardon et la force de se tenir aux côtés des blessés comme des pécheurs, sans craindre d’y perdre sa respectabilité.


Didier Antoine,

Catholique libertaire insignifiant

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