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Boomer malgré moi

mercredi 3 septembre 2025

Oh punaise ! Je viens d’apprendre par un ami que, comme lui, je fais partie des baby-boomers. Oui, moi qui suis né le premier janvier 1962, huit mois et demi après le retour de mon père en France, après avoir passé trente-trois mois en Algérie dès ses vingt ans alors qu’il n’avait rien demandé. Ballotté entre De Gaulle et Giscard, j’entre de plain-pied dans cette catégorie honnie par le Premier ministre François Bayrou. Je ne le savais pas. Et voilà qu’il me tombe dessus comme si j’avais vidé les caisses de l’État pour financer mes vacances au Club Med.


Qu’ai-je fait à François Bayrou ? Pourquoi m’en veut-il ? Je le jure, je n’ai rien fait de mal. Je n’ai pas rédigé les lois de défiscalisation. Je n’ai pas inventé la dette publique. Je n’ai pas placé la France sous perfusion de crédits. J’ai simplement vécu ma vie, travaillé, payé mes impôts, souvent plus que de raison. Et me voilà sommé de porter le fardeau du monde avec mes compatriotes… d’une génération entière, réduite à un mot : « Boomer ». Pire encore, il me pointe du doigt devant mes enfants. Ce n’est pas sympathique du tout.


Si j’ai bien compris, je fais partie d’une génération égoïste, insensible aux difficultés des jeunes. C’est fort de café. Il ne se passe pas une journée sans que je pense à mes enfants : mon fils de trente-sept ans, ma fille de trente-quatre ans et mon petit-fils de douze ans. Quand j’entends parler des violences, de l’insécurité que l’on vit au quotidien… je pense systématiquement à lui. Et le Premier ministre ose me dire, avec culot, que j’aurais profité de tout en laissant des dettes. Moi ? J’ai vu passer les deux chocs pétroliers. Le premier, j’étais enfant ; le second, je commençais à entrer dans la vie active. J’ai connu le chômage de masse, la première canicule en 1976, les crises financières. J’ai vu ma feuille de paie amputée en 1991 par la Contribution sociale généralisée (CSG), puis en 1996 par la CRDS (Contribution au remboursement de la dette sociale), qui représente aujourd’hui une importante recette, alors que le déficit de la Sécurité sociale avoisinerait, en 2025, vingt-deux milliards d’euros. Là, je commence à m’énerver.

Nous avons eu, ma femme et moi, comme beaucoup, des fins de mois difficiles. On a pu s’offrir un petit pavillon modeste dans un lotissement. J’ai mis mes enfants dans un collège privé. Toute leur primaire, ils étaient dans le public. C’était un choix, car le passage de Monsieur Bayrou comme ministre de l’Éducation nationale n’a rien réformé en profondeur. Le Premier ministre pense que nous n’avons pas fait de sacrifices. Mais je rêve !


Et depuis un an, je suis à la retraite, bien méritée après quatre décennies de travail. Mon père est décédé à l’âge de soixante-trois ans, ma mère à cinquante-trois ans. Mon petit frère unique est décédé à cinquante-cinq ans, il y a tout juste neuf mois, d’un cancer du pancréas. Tout bénéfice pour les caisses de retraite. Le Premier ministre veut peut-être faire des économies sur mon dos… souhaiterait-il que j’attrape à mon tour un cancer rapide en gage de punition ? Mes lecteurs auront remarqué que je pousse le bouchon un peu trop loin. C’est vrai !


Le Premier ministre a besoin d’un coupable… c’est moi ! Alors il sort son mot : « Boomer ». Ce n’est pas sa marque de fabrique, mais sa marque de démolition. Derrière moi, il y a entre douze et treize millions de boomers… une cible facile. Il y a des retraités du bâtiment, de la manutention, des enseignants, du personnel soignant… tous ces gens-là, usés par leur travail, sont mis dans le même sac que des gens comme moi, qui ont eu un emploi administratif moins pénible. Nous sommes tous ficelés à coups de « responsabilité générationnelle ».


Que souhaite Monsieur Bayrou ? Une guerre des âges ? La légalisation de l’euthanasie… la belle aubaine pour inciter les enfants à y recourir à notre place, sachant que l’État se dégagera de plus en plus des soins de fin de vie et que les EHPAD seront entièrement à la charge des enfants. Et hop ! Le tour est joué : une piqûre et quelques billets économisés.

Ce n’est pas moi qui empêche aujourd’hui un étudiant de trouver un logement, ni qui fait s’effondrer l’hôpital public, ni qui fait exploser la dette.


Que le Premier ministre ouvre grand ses oreilles : je suis né en 1962, je suis peut-être un boomer selon ses fiches, retraité depuis un an, mais je refuse d’être son problème, son bouc émissaire et son procès en génération. S’il veut des responsables, qu’il regarde du côté des choix politiques accumulés depuis des années, souvent par des gouvernants de sa propre génération et de sa carrière politique. Combien de budgets déficitaires Monsieur Bayrou a-t-il votés en tant que parlementaire, et soutenus en tant que responsable politique et même ministre ? Moi, je n’ai rien fait de mal.


Et surtout, je n’ai pas l’intention de m’excuser d’être né cette année-là : 62.


Didier Antoine,

Catholique Libertaire insignifiant

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