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HANDICAP

Les Rameaux et la lumière d’une foi libre

Samedi 12 avril 2025

La foi ne crie pas, elle murmure dans le creux du silence. Elle ne s’impose pas, elle s’invite, discrète, là où l’âme s’ouvre. Et quand elle éclaire, ce n’est jamais pour éblouir, mais pour révéler.

Ce dimanche, les églises seront pleines… du moins certaines. On y viendra avec ses rameaux… du buis pour la plupart… cueilli à l’aube dans les jardins, la veille en pleine nature, ou acheté à l’entrée de l’Église pour la paroisse, qui a du mal à joindre les deux bouts. Ce rameau, on le tendra à bout de bras vers le prêtre, comme on tendait jadis ses offrandes. On le fera bénir, on le ramènera dans la maison, au-dessus de la porte, derrière un crucifix, près d’une photo, comme un porte-bonheur discret… pour protéger la maison et ceux qu’on aime.


Il y en a qui porteront sur eux un amas de buis pour en distribuer à la terre entière… ce qui part d’un bon sentiment…  tandis que d’autres n’auront qu’une petite brindille. C’est un geste ancien, transmis de génération en génération. Une tradition qui résiste.


Alors, est-ce de la superstition ? C’est ce qu’on entend parfois, ici ou là, dans les rangs des fidèles, l’œil moqueur d’un athée. Moi, je ne juge pas cela. Car derrière ce geste… peut-être naïf, peut-être flou… il y a souvent un élan sincère. Une mémoire du sacré. Une trace d’enfance. Une manière d’habiter sa foi à hauteur d’humain.

Et qui suis-je, moi, pour trancher entre superstition et foi vive ? Ce qui se joue entre une conscience, un être et son Dieu relève du mystère, pas du tribunal. On croit trop souvent que la foi est affaire de certitude, alors qu’elle est d’abord un frémissement… une intimité… une profondeur… parfois obscure… parfois vacillante… parfois une blessure, mais vraie.


Ce que je me permets d’interroger, en revanche, c’est l’usage que les hommes font de Dieu. C’est là que mon regard se fait critique. Non pas sur la foi, mais sur les comportements au nom de la foi. Sur les voix autoritaires qui, derrière les vitraux, oublient l’Évangile pour imposer la règle. Sur les abus masqués sous des chasubles, sur les hiérarchies qui étouffent les cœurs, sur les paroles d’exclusion prononcées du haut des pupitres.


C’est cela qui m’a éloigné de l’Église institution. Pas la foi… pas notre Seigneur Jésus… encore moins l’Évangile. Mais ce carcan étouffant… le cléricalisme… le contrôle de tout… le pouvoir qui gangrène ce qui devait être service. L’idéal s’est craquelé sous le poids des rigidités, des mensonges, des silences. J’ai vu cela de près de très près. Alors oui, j’ai pris mes distances… lentement, mais résolument.

Hier encore, une amie m’a demandé avec douceur : « Tu vas à la messe pour les Rameaux ? » J’ai souri. Et j’ai répondu simplement : « Non. »


Cela fait plus de dix ans que je n’y vais plus. Trente-trois années de pratique fidèle… comme les années de la vie du Seigneur Jésus. Et puis, un jour, j’ai senti qu’il me fallait sortir. Pas pour fuir… pas pour renier… mais pour me retrouver… car quand on rencontre le rejet, on a besoin de recul… quand on a subi une forte dépression, on a besoin de s’éloigner pour entendre à nouveau la voix du Seigneur Jésus, sans l’écho des structures.

Depuis, chaque dimanche, je célèbre. Mais autrement chez moi dans ma sphère privée, loin de la foule. Je prie dans le silence de mon foyer. Je lis l’Évangile, parfois à haute voix. Je commence par une méditation de pleine conscience, pour accueillir la présence du Seigneur Jésus. Celle qui ne dépend pas d’un lieu ni d’un rite, mais qui vient dès qu’on lui fait place. Et je sais, dans cette paix simple, que mon Seigneur Jésus est là… tout proche, comme une réalité vivante.


Ce dimanche des Rameaux, je vivrai à ma manière l’entrée du Seigneur à Jérusalem. Ce moment d’espérance folle, où le peuple acclame un roi venu sans couronne, sur un âne. Dans l’humilité. Un roi de paix, qui fait frémir l’ordre établi. J’aime cette scène. Je l’aime parce qu’elle résume tout : la tendresse de Dieu qui se livre sans défense à la violence des hommes.


Et je refuse que cette lumière soit avalée trop vite par les ténèbres de la Passion… je m’explique. L’Église, souvent, précipite le récit : elle lit tout, d’un trait, dès les Rameaux. De l’entrée triomphale à la crucifixion. Peut-être parce qu’elle sait que beaucoup ne reviendront pas le Jeudi saint et le Vendredi saint. Alors, elle propose le « package » liturgique. Mais moi, je prends mon temps. Le temps de goûter chaque étape. Le temps de m’agenouiller devant l’âne. Le temps d’écouter les hosannas. Le temps de croire encore à la douceur qui sauve.

Comme un ami qui accompagne le dernier repas de Jésus le jeudi soir. Je relirai chaque geste, chaque parole, chaque silence. Puis, vendredi, je méditerai la Passion et la Croix. Je n’en ferai pas un dogme, mais un mystère d’amour : celui d’un Dieu qui ne s’impose pas, mais s’expose. Un Dieu vulnérable, livré, humilié pour les plus humiliés. Et dimanche prochain, je célébrerai la Résurrection chez moi ou si le temps le permet en pleine nature. Pas comme une histoire à croire, mais comme une lumière à accueillir. Une manière nouvelle d’exister, plus libre, plus aimante, plus vraie.


Je suis croyant, oui. Et même plus que jamais. Mais je suis libre… je ne me sens plus chez moi dans les murs de l’Église, mais je me sais chez le Seigneur Jésus dans l’invisible. Je ne récite plus, je parle. Je ne consomme plus la messe, je vis l’Évangile. C’est moins spectaculaire peut-être… mais tout aussi réparable et tellement réel.


Je ne regrette pas la beauté des offices : je la fais chez moi. L’odeur de l’encens ? J’en ai chez moi. Je ne regrette pas d’avoir choisi la vérité intérieure plutôt que le confort rituel… … les regards… les spectacles médiocres… je continue de croire ! Oui, je le crois profondément que Dieu ne cherche pas des fidèles à la chaîne. Il cherche des cœurs libres.


Que Dieu vous garde

Didier Antoine

Catholique libertaire insignifiant en marge

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