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HANDICAP

François Bayrou ou l’Église catholique, des victimes oubliées

Page publiée le 18 février 2025

Un scandale de plus éclate au sein de l’Église catholique, révélant des décennies d’abus passés sous silence. Entre impunité institutionnelle et récupération politique, les victimes peinent encore à obtenir justice.

Arrêterai-je un jour d’écrire sur les abus sexuels dans le catholicisme ? Sur ce silence de l’Église institutionnelle qui devient pesant et insupportable ? Je l’espère… mais ce n’est pas demain la veille. Les affaires me le prouvent, hélas, trop souvent : ce combat est loin d’être terminé. Depuis des décennies, les coupables ont été protégés, les victimes ignorées… Il reste encore des affaires sous le tapis. Et cela resurgit, et cela va continuer… continuer à dénoncer, à documenter… Y aura-t-il une fin ? Y a-t-il encore des affaires cachées ?

Il est des nouvelles qui, lorsqu’elles éclatent, ne suscitent plus en moi une surprise, mais du dégoût… un dégoût mêlé d’indignation et de colère. L’affaire des violences sexuelles et des châtiments corporels (que je dénonçais souvent et qu’il ne fallait pas oublier) à Notre-Dame de Bétharram, établissement catholique des Pyrénées-Atlantiques, s’inscrit dans le marbre d’une chronologie funeste : celle des abus systématiques perpétrés par des hommes de foi… et là, par des laïcs.

Les premières accusations émergent… sur des faits remontant à la période entre 1970 et 1990. Plus de quarante ans pour certains d’entre eux. Rien que ça… Quel scandale ! Des victimes, alors encore des enfants ou des adolescents, parlent à voix basse de ces comportements inappropriés de la part de certains membres du clergé et du personnel encadrant. Mais ces témoignages, comme d’habitude, sont tous ignorés, voire étouffés.


Ce n’est qu’en 2022 qu’une vague de plaintes commence à être formellement déposée au parquet de Pau. Les faits concernent des dizaines de victimes. Les enquêteurs découvrent l’inimaginable, alors que les agressions auraient été commises dans un climat d’impunité totale. Les prédateurs, profitant de leur statut d’autorité absolue, réduisaient les enfants au silence.

En juillet 2024, le collectif des victimes de Bétharram, dirigé par Alain Esquerre, ancien élève de ce groupe scolaire et lanceur d’alerte, dépose devant le tribunal de Pau un quatrième corpus de vingt-six nouvelles plaintes, portant à cent deux le nombre de violences corporelles et d’abus sexuels recensés. Ces plaintes mettent en cause vingt-deux adultes et un mineur au moment des faits, dont la moitié sont encore en vie. Parmi eux, neuf religieux… quand même… sont incriminés pour violences sexuelles. Cette nouvelle vague de plaintes marque une étape supplémentaire dans la mise en lumière d’un système de prédation couvert par des années de silence et d’impunité.


Parmi les figures mises en cause, le père Silvet-Carricart, membre de la congrégation du Sacré-Cœur de Jésus de Bétharram et fondateur de l’établissement, a fait l’objet de deux accusations pour violences sexuelles. Acculé par ces révélations, il a mis fin à ses jours en l’an 2000, laissant derrière lui des victimes en quête de justice et une institution qui, une fois de plus, a préféré détourner le regard plutôt que d’affronter ses responsabilités.


Cette affaire prend une ampleur nationale lorsque le Premier ministre, François Bayrou, dont les enfants ont fréquenté l’établissement, est interrogé sur une éventuelle connaissance des faits. Ce drame suscite des querelles politiques ayant un but précis : déstabiliser François Bayrou… le mettre au pilori pour l’achever une bonne fois pour toutes. Les victimes sont prises en otage par des médias qui se sont emparés du dossier, certains amplifiant la pression sur les autorités et les dirigeants politiques, dont l’un veut avant tout la peau du Premier ministre… L’occasion est trop belle. Mais la question demeure : était-il réellement au courant ? Surtout lorsqu’il était ministre de l’Éducation nationale entre 1993 et 1997.

François Bayrou, interpellé sur d’éventuels signaux d’alerte qu’il aurait pu percevoir, se défend en rejetant toute responsabilité directe et en dénonçant ce qu’il qualifie de tentatives de manipulation médiatique. Cette posture suscite des réactions mitigées : certains dénoncent une défense politique classique, tandis que d’autres estiment que son implication indirecte mérite un examen plus approfondi. Les médias ne lâcheront pas l’affaire, et les victimes servent de prétexte.


Et l’Église, dans tout cela ?

Je rappelle que, dans l’enseignement catholique, l’évêque, pasteur du diocèse, a un rôle important et non des moindres. Il est consulté et donne son avis sur la nomination du chef d’établissement et de l’ensemble de la direction, dont il rédige une lettre de mission. Il veille à la qualité de la pastorale scolaire : catéchèse, accompagnement spirituel et suivi de l’aumônier responsable. Il peut effectuer des visites pastorales pour rencontrer les élèves, les enseignants et le personnel. L’évêque collabore avec le directeur diocésain de l’enseignement catholique, qui est son représentant pour les établissements catholiques. Il coordonne, anime et veille à la mission éducative. Conformément au code canonique, l’évêque a le devoir de surveiller et de visiter les écoles catholiques de son diocèse.


Un établissement est régi par un Organisme de Gestion de l’Enseignement Catholique (OGEC). C’est une association loi 1901 qui assure la gestion juridique d’un établissement catholique. Son rôle est de garantir son bon fonctionnement administratif, financier et éducatif.


Que l’on s’acharne sur François Bayrou… soit… La politique médiatique est cruelle, mais on devrait aussi demander à l’évêque, au directeur diocésain de l’enseignement catholique et aux membres du bureau de l’OGEC s’ils étaient au courant de ces violences insupportables. Cela représente une bonne dizaine de personnes… et ce, sur toutes ces années. J’ai du mal à croire qu’aucun d’entre eux n’était au courant. Et qu’ont-ils fait ?


En tant que catholique libertaire, désormais éloigné de l’Église, je ressens une fois de plus une rage sourde… en constatant que ces violences se sont perpétuées pendant plus de vingt ans sans qu’une seule personne ne soit informée. Dans de nombreuses affaires, l’Église a démontré qu’elle couvrait des actes honteux… Si c’est le cas pour Bétharram, combien d’enfants devront encore subir l’innommable ?

J’ai du mal à croire que, pendant près de quarante ans, aucun soupçon n’ait été détecté… même pas un bruit de couloir. Il ne s’agit pas de s’acharner sur le catholicisme, mais de dénoncer un système de pouvoir qui a érigé l’omerta en dogme pour préserver ses intérêts. Les victimes de Notre-Dame de Bétharram ne sont pas des cas isolés. Elles sont les nouvelles figures d’une tragédie récurrente qui gangrène l’Église catholique depuis trop longtemps.


Si le silence de l’Église est avéré… si elle a tenté de dresser un bouclier derrière lequel se dissimulent des lâchetés, elle aura du mal à conserver un semblant de crédibilité… et personne ne pourra croire qu’elle arrivera à protéger les victimes. Malheureusement, l’Église a préféré le silence à la justice… la dissimulation à la réparation, au détriment des vies brisées. Elle ne peut plus détourner le regard sans se rendre coupable d’une trahison supplémentaire.


Le poids du silence devient un fardeau aussi insoutenable que les crimes eux-mêmes… Les fidèles quittent le navire… Nous sommes déjà entrés dans le déclin. Après toutes ces années de silence, il est peut-être trop tard… Sa chute est enclenchée, et aucune prière, aucune déclaration de repentance ne suffira à enrayer la perte de confiance qui la ronge. Sa descente s’accélérera jusqu’à ce qu’elle rencontre de plus en plus de problèmes financiers… puis de gouvernance, qui sera réservée à une toute petite poignée d’élites se cooptant entre elles.

Je serai toujours aux côtés des victimes, car leur souffrance ne doit jamais être réduite au silence… Tant qu’il restera des voix brisées par l’injustice et l’abandon, je refuserai de détourner mon regard.


Didier Antoine

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