top of page

HANDICAP

Boualem Sansal : Dix ans de prison requis contre la liberté d’expression

Page publiée le 26 mars 2025

Quand écrire devient un crime, c’est tout un pays qui étouffe. À travers le sort réservé à Boualem Sansal, l’Algérie fait face à un tournant décisif pour sa liberté d’expression. Aujourd’hui, c’est l’avenir démocratique d’une nation tout entière qui se joue derrière ces barreaux.

Dix ans de prison. C’est la peine requise contre Boualem Sansal, l’un des plus grands écrivains franco-algériens de notre époque. Une condamnation qui, vu son âge avancé, équivaut à une peine de prison à perpétuité, le condamnant ainsi à mourir derrière les barreaux. Une sentence qui, au-delà du sort personnel d’un intellectuel, sonne comme un signal glaçant adressé à tous ceux qui osent encore défier le carcan du silence en Algérie.

 

L’accusation ? « Atteinte à l’intégrité du territoire national », une formule large, vague… qui ne veut rien dire… instrumentalisée à loisir pour réduire au silence les voix dissidentes. Cette condamnation suscite en moi une profonde indignation face à une telle injustice : punir la parole, c’est affirmer l’hégémonie d’un régime qui se mure de plus en plus dans une dérive autoritaire. L’histoire le montre : les régimes qui enferment leurs intellectuels préparent leur propre naufrage : l’Espagne sous Franco ; l’Italie sous Mussolini ; le Portugal sous Salazar ; la Roumanie sous Ceausescu ; les dictatures militaires en Argentine et au Chili.

 

Boualem Sansal n’a jamais fait mystère de son engagement critique envers les dirigeants algériens. Depuis Le Serment des barbares, où il dépeint une société où les élites utilisent leur position pour s’enrichir au détriment du peuple… jusqu’à 2084 : La fin du monde, où il critique un système où la religion est instrumentalisée pour contrôler chaque aspect de la vie humaine… où l’on explore les conflits entre le système oppressif, montrant la difficulté d’affirmer sa singularité face à une société uniformisée. Il nous invite à réfléchir sur la manière dont les régimes totalitaires modifient l’histoire et le langage pour asseoir leur domination.

 

Dans ses ouvrages, Boualem Sansal décrypte, dénonce, s’indigne contre un système qui confisque la parole et empêche le débat. Dans un pays où l’expression est de plus en plus muselée, ses livres sont des bouffées d’air… trop d’air sans doute pour un pouvoir qui redoute que la pensée libre ne devienne contagieuse.

 

L’inculpation de Boualem Sansal intervient dans un contexte où la répression contre les opposants, journalistes et militants des droits humains s’intensifie. Depuis le mouvement Hirak de 2019… où un soulèvement populaire pacifique a réclamé le départ du président Bouteflika et dénoncé la corruption du régime en place… les autorités algériennes ont resserré leur emprise. Le mouvement s’est progressivement essoufflé à partir de 2020, en raison de la pandémie de Covid-19. Internet est surveillé, la presse indépendante étouffée, et les arrestations arbitraires se multiplient. Le pouvoir veut étouffer toute contestation en la qualifiant de menace à l’unité nationale, alors même que c’est l’absence de libertés qui fracture le pays.

L’affaire Boualem Sansal est un test pour l’Algérie. Veut-elle s’enfermer dans un régime liberticide où penser devient un crime, où écrire expose à la prison ? Ou bien veut-elle se donner les moyens d’une véritable ouverture démocratique à la hauteur des aspirations de son peuple ? Je pense que le pouvoir ne veut pas de démocratie, et que les intellectuels seront toujours réprimés.

 

Ce réquisitoire ignoble contre Boualem Sansal m’indigne profondément, car il atteint en moi cette conviction intime que toute parole libre porte une étincelle divine. Je refuse d’accepter qu’aujourd’hui encore, en Algérie comme ailleurs, on puisse jeter en prison des visionnaires modernes qui dérangent le confort des puissants par leur vérité dérangeante. Je suis révolté devant ce pouvoir qui, dans sa folle arrogance, s’arroge le droit de censurer l’esprit vivant d’un homme dont l’écriture est un cri de liberté, jeté à la face du silence.

 

Cette sentence injuste me rappelle douloureusement que ceux qui mettent en péril l’ordre établi finissent souvent par porter leur croix jusqu’au bout, à l’image de celui qui, pour moi, est le Seigneur Jésus… qui me guide chaque jour de ma vie. Pourtant, je sais aussi que les barreaux ne retiendront jamais totalement la vérité, ni l’espérance qu’incarne Boualem Sansal, car l’esprit souffle toujours où il veut… libre et réfractaire. Je refuse d’abandonner ma plume devant cet acte lâche, car ma foi libertaire m’appelle précisément à soutenir les voix que l’on veut étouffer, en communion solidaire avec les exclus et les persécutés.

 

Aujourd’hui, c’est la conscience même de mon humanité et de ma foi qui est mise à l’épreuve par cette injustice flagrante. Face à cela, je choisis résolument la ténacité, car garder le silence serait trahir non seulement Boualem Sansal… mais l’Évangile même de liberté qui m’habite.

 

Ne nous voilons pas la face : après cette condamnation, qui, je le pense, sera confirmée… un risque pèse, celui de voir cette affaire devenir un instrument de pression politique entre Alger et Paris. Son emprisonnement pourrait être utilisé comme une véritable monnaie d’échange, contraignant la France à respecter scrupuleusement les accords et les engagements avec l’Algérie, notamment en matière de délivrance de visas (pas question d’y toucher) et d’exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF)… n’expulser aucun ressortissant algérien. Cette stratégie, si elle s’avère, révélerait une inquiétante dérive diplomatique, où la vie d’un intellectuel de renom se retrouve réduite à une simple carte politique. Cette crainte, largement partagée, montre combien les droits humains peuvent facilement être sacrifiés sur l’autel des négociations entre États.

 

Didier Antoine

 

bottom of page