
Journal d'un catholique libertaire
Qui a pris ses distances vis à vis de l'Eglise, de sa hiérarchie et de son pouvoir
HANDICAP
A Lourdes, l’Église catholique française sous le regard d’un fidèle en rupture entre confession, colère et espérance
Page publiée le 01 avril 2025

A Lourdes, les évêques s’apprêtent à élire leur nouveau président dans un climat de crise morale profonde. Tandis que l’institution tente de sauver la face, des voix catholiques en rupture appellent à une foi libérée du pouvoir et fidèle à l’Évangile des marges.
Lourdes, 31 mars 2025 – Encore une assemblée d’évêques. Encore Lourdes. Encore un président à élire. Et toujours la même Église, engoncée dans ses rites internes, ses équilibres politiques feutrés et ses incantations sur la « conversion pastorale ». Pendant ce temps-là, dehors, la douleur des victimes d’abus, la colère des fidèles, et la désaffiliation silencieuse d’une génération qui ne croit plus à une parole ecclésiale entachée d’inertie et de compromissions.
Je suis catholique, oui. Mais d’une foi affranchie des hiérarchies, des cléricalismes et des jeux de pouvoir. D’une foi libertaire, qui refuse que la bonne nouvelle soit enchaînée à des structures de domination spirituelle. Et aujourd’hui, à la veille de cette nouvelle grand-messe épiscopale à Lourdes, je ne peux m’empêcher de poser cette question : que reste-t-il de l’Évangile quand il est confisqué par une caste qui, trop souvent, s’est tue, s’est protégée, ou a couvert l’inacceptable ?
Un scrutin pour sauver la face ?
L’élection du président de la Conférence des évêques de France, le 3 avril prochain, pourrait être un acte fort. Mais il risque de n’être qu’un nouvel exercice d’autopromotion interne. L’archevêque de Reims, Éric de Moulins-Beaufort, laisse sa place après deux mandats. On lui reconnaît une certaine volonté de réforme, notamment depuis 2021, après les travaux de la CIASE. Mais ce qu’il incarne encore, c’est cette Église pyramidale où la parole ne descend jamais tout à fait jusqu’à ceux qu’elle prétend servir.
Et surtout, derrière ce scrutin, que voit-on ? Une institution obsédée par son image, plus que par la vérité. Une Église qui, même en pleine tempête morale, s’accroche à ses titres, à ses honneurs, à ses manières d’Ancien Régime. On parle de « continuité », de « chemin parcouru ». Mais demandez aux victimes si ce chemin est suffisant. Demandez aux femmes, aux laïcs engagés, aux chrétiens de base s’ils sentent le poids du changement.
À Lourdes, lieu de prières, de souffrances et de guérisons, les évêques se réuniront pour débattre, voter, déclarer. Mais au fond, cette assemblée est-elle encore crédible ? Comment croire à la sincérité d’une institution qui n’a jamais su reconnaître le pouvoir comme un danger spirituel ? Qui n’a jamais su défaire les liens malsains entre pouvoir religieux et élites catholiques bien-pensantes ?
Car il faut le dire : le problème ne se limite pas à quelques prêtres criminels. C’est un système, un écosystème clérical et bourgeois, parfois relayé par des laïcs de salon, qui a fabriqué le silence, entretenu l’impunité et cultivé l'entre-soi. Pendant que certains prêchent l'humilité en soutane, d'autres organisent des colloques à Paris sur « le renouveau spirituel » sans jamais avoir mis les pieds dans une cellule d’écoute ou partagé un repas avec une victime.
Je n’attends plus leur rédemption. J’attends leur renoncement.
Je n’attends plus de cette Église qu’elle me prouve sa bonne volonté. Je n’attends pas qu’elle se réforme à petits pas, comme si la crise n’était qu’un accident. J’attends qu’elle renonce à son emprise, qu’elle se dépouille enfin de ses privilèges, qu’elle cesse de parler d’« autorité spirituelle » alors qu’elle n’est plus capable d’exercer la moindre autorité morale.
Mais j’attends aussi autre chose : que les fidèles, les croyants de marge, les désaffiliés, les engagés anonymes reprennent la parole. Qu’ils refusent d’être dépossédés de leur foi par ceux qui en ont fait un instrument de contrôle. Car l’Évangile n’a jamais appartenu aux princes de l’Église. Notre Seigneur Jésus est né dans les marges, il est vivant dans les périphéries, dans le monde rural. Il respire dans les gestes simples, les solidarités concrètes, les silences partagés.
À Lourdes, les évêques s’apprêtent à élire un nouveau président. Qu’ils le fassent. Mais qu’ils sachent qu’ils ne sont plus seuls à porter la foi. Une autre Église catholique existe déjà : sans mitres, sans pouvoir, mais pleine de vie.
Didier Antoine
Catholique libertaire en marge de l’institution