
Journal d'un catholique libertaire
Qui a pris ses distances vis à vis de l'Eglise, de sa hiérarchie et de son pouvoir
Vendredi 7 mars 2025
3ème jour de Carême - Vendez ce que vous possédez

De Luc 12, 33-34
Jésus disait à ses disciples : « Vendez ce que vous possédez et donnez-le en aumône. Faites-vous des bourses qui ne s’usent pas, un trésor inépuisable dans les cieux, là où le voleur n’approche pas, où la mite ne détruit pas. Car là où est votre trésor, là aussi sera votre cœur. »
MESSAGE
Le Carême s’ouvre devant nous comme un désert : un lieu dépouillé, silencieux, rude parfois, mais porteur d’une promesse. C’est un temps de conversion, de recentrage, de vérité. Un chemin qui nous éloigne du tumulte qui nous entoure, du bruit qui nous fatigue… du stresse qui nous enveloppe… pour nous rapprocher de Dieu, non pas à grands pas, mais à pas d’homme, à pas de cœur.
En ce troisième jour de Carême, l’Évangile nous livre une parole sans compromis :
« Vendez ce que vous possédez et donnez-le en aumône. Faites-vous des bourses qui ne s’usent pas, un trésor inépuisable dans les cieux. »
Ces mots ne sont pas à lire comme une consigne économique ou une injonction morale. Ils sont une invitation à une libération intérieure. Car ce que le Seigneur Jésus vise ici, ce ne sont pas nos biens en tant que tels, mais le pouvoir qu’ils exercent sur nous. Il dénonce l’illusion de sécurité que nous mettons dans nos avoirs, nos statuts, nos assurances terrestres. Il nous rappelle que tout ce que nous pouvons amasser ici-bas est fragile, éphémère, vulnérable au temps, au vol, à la destruction.
Mais alors, que signifie vendre ce que l’on possède ?
Ce n’est pas simplement tout donner de manière littérale… encore que certains soient appelés à cela, mais c’est surtout se désencombrer, oser lâcher ce que l’on croit indispensable pour laisser place à ce qui est vital : la relation, l’écoute, le don de soi.
C’est reconnaître que certains biens… même légitimes … peuvent devenir des chaînes. Que nos attachements, si bien ancrés soient-ils, peuvent finir par nous éloigner de l’essentiel.
Jésus nous propose de changer de perspective : « Là où est votre trésor, là aussi sera votre cœur. »
Il ne s’agit donc pas seulement de ce que nous possédons, mais de ce que nous aimons profondément. Notre cœur suit notre trésor. Et si notre trésor est l’argent, la reconnaissance, la réussite, le confort, alors notre cœur sera enfermé dans ces limites. Mais si notre trésor est la miséricorde, la confiance, la prière, la fraternité, alors notre cœur sera libre, tourné vers le Ciel.
Le Carême est le temps favorable pour redéfinir ce trésor. Pour réévaluer où bat vraiment notre cœur. Pour choisir une richesse qui ne rouille pas, qui ne se vole pas, qui n’est pas menacée par les aléas de la vie. Une richesse que seul Dieu peut donner, et qu’il offre gratuitement à celui qui accepte de se faire pauvre de lui-même.
Vendre ce que l’on possède, c’est aussi faire de la place. Et n’est-ce pas cela, au fond, la grâce du Carême ? Faire du vide, non pas pour s’appauvrir, mais pour accueillir. Pour redécouvrir la joie de vivre simplement, la paix d’un cœur désencombré, la beauté de la vie donnée. Il ne s’agit pas d’un appauvrissement stérile, mais d’un déplacement : quitter ce qui rassure pour retrouver ce qui sauve.
À vous mes frères et sœurs qui vous êtes éloignés de l’Église…
Peut-être que vous lisez ces lignes avec distance. Peut-être que ces mots résonnent en vous comme une langue étrangère, une parole d’un autre temps. Peut-être avez-vous été blessés, déçus, oubliés. Ou simplement, la vie vous a pris ailleurs, et vous n’avez pas vu le moment où la foi s’est estompée, comme un feu qu’on n’alimente plus.
Et pourtant… cette parole vous concerne. Ce Carême est aussi le vôtre. Ce désert est aussi le lieu où Dieu vous attend.
Vous n’avez pas à revenir parfaits. Vous n’avez pas à tout comprendre, ni à tout croire d’un seul coup. Mais vous pouvez faire un pas. Un seul. Ouvrir un interstice. Offrir un peu d’espace à cette présence qui frappe, discrètement, sans jamais forcer. Ce « vendre ce que vous possédez », pour vous aujourd’hui, pourrait simplement signifier : lâcher les barrières. Les idées toutes faites sur Dieu.
Car Dieu ne vous demande pas ce que vous n’avez pas. Il vous demande votre cœur, tel qu’il est. Même fatigué, même distant, même révolté. Il vous redit, aujourd’hui encore : « Là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur. Et ton cœur, je l’attends. Je le veux libre. »
Revenez. Non pas vers une organisation, mais vers une source. Non pas vers une morale, mais vers une tendresse. Ce Carême pourrait bien être votre rendez-vous.
Bon Carême à tous
Didier Antoine