
Journal d'un catholique libertaire
Qui a pris ses distances vis à vis de l'Eglise, de sa hiérarchie et de son pouvoir
Lundi 7 avril 2025
29ème jour de Carême

De l'Evangile de Jean 10, 11-18
Jésus disait à ses disciple : « Moi, je suis le bon berger. Le bon berger donne sa vie pour les brebis. Mais le salarié, qui n’est pas berger, à qui les brebis n’appartiennent pas, voit venir le loup, il abandonne les brebis et s’enfuit — et le loup les attrape et les disperse. Car il est salarié, et il ne se soucie pas des brebis. Moi, je suis le bon berger. Je connais les miens, et les miens me connaissent, tout comme le Père me connaît et moi je connais le Père — et je donne ma vie pour les brebis. J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cette bergerie ; celles-là aussi, il me faut les conduire, et elles entendront ma voix, et il y aura un seul troupeau, un seul berger. C’est pour cela que le Père m’aime : parce que moi, je donne ma vie, afin de la reprendre de nouveau. Personne ne me l’enlève, mais moi, je la donne de moi-même. J’ai le pouvoir de la donner, et j’ai le pouvoir de la reprendre ; ce commandement, je l’ai reçu de mon Père.
MESSAGE
« Moi, je suis le bon berger. Le bon berger donne sa vie pour les brebis. »
Nous approchons de Pâques. Lentement mais sûrement. Le Carême s’étire, et avec lui les jours de conversion, de combat, d’éveil. Dans cette montée, ce passage de l’Évangile de Jean nous offre une parole de feu et de tendresse, une parole qui coupe et qui relève : « Moi, je suis le bon berger. »… celui qui rayonne de vérité, de fidélité, de lumière intérieure. Il ne s’agit pas d’un slogan ni d’un rôle de façade : cette phrase est une révélation. Une clef pour comprendre qui est le Seigneur Jésus et qui nous sommes pour lui. Le bon berger, ce n’est pas celui qui commande de loin. Ce n’est pas celui qui surveille.
Le bon berger, c’est celui qui connaît ses brebis et qui s’en approche. Il marche avec elles, souvent au-devant, parfois à côté, parfois en arrière pour ramener la dernière. Et plus encore : il se donne. Le bon berger ne protège pas seulement la vie : il la livre. Il ne conserve pas son pouvoir : il s’en défait. Il ne fuit pas devant le danger : il fait face.
En quelques versets, notre Seigneur Jésus trace le portrait d’un amour qui n’a pas de limite, d’une autorité qui ne repose pas sur la force mais sur la vulnérabilité choisie, sur le don consenti. Il n’est pas question d’un héros tragique, mais d’un Dieu qui aime librement, jusqu’au bout, jusqu’à la croix, jusqu’à la descente dans nos ténèbres les plus épaisses.
« Le salarié, lui, voit venir le loup, il abandonne les brebis et s’enfuit. »
μισθωτός (misthotos) … Ce mot grec vient de « salaire » celui qui est payé… une « récompense (d’un mercenaire)… dans ce contexte de l’Evangile de Jean, il désigne quelqu’un qui travaille pour un salaire sans lien personnel ou affectif avec ce qu’il garde ou sert. Il n’agit pas par amour mais par intérêt. Ce mot grec est utilisé pour contraster avec le « bon berger ».
Ces mots résonnent douloureusement dans nos temps modernes. Combien d’abandons avons-nous connus ? Combien de figures d’autorité — civiles, religieuses, familiales — ont parfois fui leur responsabilité ? Qui, aujourd’hui, tient vraiment parole ? Qui reste quand tout se délite ?
Le bon berger reste. Il ne quitte pas le champ de bataille. Il n’est pas là pour profiter du troupeau, mais pour l’aimer jusque dans la poussière et le sang. Jésus n’a pas seulement dit : « Je vous aime » — il l’a prouvé en donnant sa vie, et en la reprenant non par puissance, mais par obéissance filiale au Père, dans une fidélité qui sauve l’humanité entière. Et cette fidélité, il la porte jusqu’aux brebis les plus lointaines : « J’ai d’autres brebis qui ne sont pas de cet enclos… elles entendront ma voix. »
Voilà une promesse extraordinaire. Aucune barrière, aucune frontière, aucun éloignement n’épuise son désir de rejoindre. L’amour du Christ est plus large que nos institutions, nos limites, nos jugements. C’est l’amour de Dieu pour tous, pour chacun, même et surtout pour ceux que l’on pense oubliés.
En ce 29e jour de Carême, une question demeure : Reconnaissons-nous cette voix ?
Dans le bruit du monde, dans le tumulte de nos vies, entendons-nous encore le murmure du bon berger ? Il ne force pas. Il ne s’impose pas. Il appelle doucement, par la parole, par les rencontres, par les silences aussi. Il nous ramène sans nous violenter. Il nous guide, sans jamais nous humilier.
Le Carême est ce temps où les chemins s’ouvrent, si nous avons le courage de nous arrêter, d’écouter, et peut-être, de faire demi-tour. Le troupeau du Seigneur Jésus n’est pas un club de purs. Il est fait de pauvres, de pécheurs, de fatigués, de chercheurs, de blessés, de fragiles, de vous et moi. Et tous sont là parce qu’un jour, ils ont entendu cette voix qui disait : « Tu comptes. Je te connais. Je donne ma vie pour toi. »
À vous qui avez pris de la distance avec l’Église. Peut-être à cause de blessures, de déceptions, de scandales. Peut-être à cause d’un éloignement progressif, d’une indifférence installée. Peut-être par colère, par lassitude, par lucidité même. Vous n’êtes pas seuls. Et vous n’êtes pas oubliés.
Le bon berger n’a jamais cessé de marcher vers vous. Même si vous avez quitté l’enclos, même si vous vous êtes cachés, même si vous doutez de tout cela : Le Seigneur Jésus vous cherche encore. Il n’est pas venu pour les parfaits, mais pour ceux qui tombent. Il n’est pas venu pour juger, mais pour guérir et réconcilier. Et même si l’institution vous a déçus, même si vous ne savez plus ce que croire, lui reste. Sa voix n’a pas changé. Elle vous connaît, vous attend, vous appelle. Revenir, ce n’est pas nécessairement franchir une porte, c’est commencer par ouvrir son cœur. C’est accepter que, malgré tout, vous avez du prix à ses yeux. Et si vous entendez, même faiblement, cet appel dans vos profondeurs, n’étouffez pas cette voix. Elle ne vous condamne pas. Elle vous propose une route. Et cette route vers Pâques est aussi pour vous. Elle commence là où vous êtes… où vous en êtes. Elle vous attend.