
Journal d'un catholique libertaire
Qui a pris ses distances vis à vis de l'Eglise, de sa hiérarchie et de son pouvoir
Le diaconat féminin au cœur d'un débat toujours étouffé
Page publié le 8 novembre 2024

Le Synode sur la synodalité, récemment conclu à Rome, a ravivé le débat douloureux autour de la place des femmes dans l’Église, et notamment la question du diaconat féminin. Une fois de plus, l’espoir d’une avancée se heurte aux résistances d’une hiérarchie figée, laissant un sentiment d’injustice chez de nombreux fidèles en quête de changement.
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Pour un catholique libéral que je suis, certes éloigné d’une Église figée, mais toujours porteur des valeurs évangéliques, de foi et d’humanité, ce nouvel épisode laisse un goût amer… un sentiment d’injustice et de frustration. Remarquez que je ne me faisais aucune illusion… c’était couru d’avance.
Mes propos ne sont pas là pour défendre le diaconat en tant que tel, car je suis réfractaire à toute hiérarchie, et de toute façon, cette mission, ce service ne changera rien à la décadence de notre civilisation et de l’Église catholique. Je fais tout simplement une analyse d’un article paru dans le journal "La Croix". Dans ce Synode, j’ai pu observer des femmes d’une profonde sincérité et d’un inébranlable courage, participant avec une demande de reconnaissance et de dignité dans le service de l’Évangile… une demande une fois de plus reléguée au statut de promesse sans lendemain, de révision perpétuelle, de porte toujours ouverte, d’intention non actée, etc. Le chapitre est clos… comme à l’accoutumée. Mon propos est avant tout de défendre la place des femmes dans l’Église, et une question simple me vient en tête : pourquoi y a-t-il des hommes diacres et pas des femmes ?
Les propos du cardinal Victor Manuel Fernandez sont scandaleux : « La décision sur le diaconat des femmes n’est pas mûre », lit-on dans le journal La Croix, reléguant la question à un plan secondaire… Quel mépris ! Comment concevoir qu’après des décennies de débats récurrents, de témoignages de théologiennes, de fidèles, de diacres et de religieuses… cette maturité soit encore hors de portée.
Cette temporisation continue ressemble davantage à un subterfuge, à une tentation de « noyer le poisson », selon les mots d’un expert du Synode, plutôt qu’à une réflexion sincère sur l’Évangile et le rôle que les femmes peuvent y jouer. Par peur des clivages, par crainte des soubresauts d’une réforme courageuse, l’Église catholique s’enferme, se met en cage, incapable d’ouvrir pleinement ses portes à celles qui, depuis toujours, nourrissent et enrichissent son corps par leurs prières, leur savoir et leur charisme.
J’ai un sentiment de révolte face à cette surdité hiérarchique et patriarcale, qui semble préférer une lecture très sélective des Écritures. Combien de fois faudra-t-il rappeler l’égalité fondamentale de l’homme et de la femme en notre Seigneur Jésus ? Les Évangiles, fondement de notre foi, ne distinguent jamais les âmes par le genre, mais par la foi, l’amour et la charité. Que les femmes soient exclues d’un rôle officiel et pastoral dans l’Église alors même qu’elles sont au cœur de la foi de tant de communautés est une incohérence théologique profonde… un refus de saisir toute l’étendue du message de notre Seigneur Jésus.
L’argument selon lequel « la majorité des femmes ne demande pas et ne veut pas du diaconat féminin », selon les dires du cardinal, paraît fallacieux et condescendant. Les jeunes hommes croyants et pratiquants qui vont à la messe tous les dimanches dans un milieu catholique très fervent ne demandent pas forcément d’entrer au séminaire pour devenir prêtres. L’Église continue ses campagnes concernant les vocations… faut-il les arrêter ? Le diacre marié ne demande pas nécessairement à être diacre. L’Église diocésaine demande aux prêtres de lui proposer un ou plusieurs noms au sein de la communauté paroissiale. C’est l’Église qui propose… Ce cardinal est un hypocrite de première, entraînant toute l’Église avec lui. Comment prétendre connaître les aspirations profondes de millions de femmes à travers le monde… dans toute leur diversité culturelle, spirituelle et théologique ? Ne serait-il pas plus juste de dire avec franchise que l’Église n’a pas le courage de proposer le diaconat aux femmes, pour la simple raison que, comme pour un homme diacre, qui a le droit de baptiser des enfants et de marier des couples, l’Église est encore frileuse de proposer cela aux femmes.
Derrière cette absence de réponse claire, on discerne un malaise profond et une incapacité structurelle de l’Église à aborder de manière authentique la question de l’égalité entre hommes et femmes. Une fois de plus, un projet de réforme pourtant modeste et nécessaire est étouffé au nom de l’équilibre ecclésial, sacrifié à la prudence, voire à la peur institutionnelle. Or l’histoire de l’Église nous montre que les moments de vérité et de croissance sont ceux où elle a osé, malgré les divisions.
Personnellement, je n’attends plus rien d’une Église qui pousse le peuple dans les peurs et les retranchements. Les murs qu’elle a érigés tiennent bon. Tout progrès est une menace pour cette hiérarchie très masculine. Certes, des portes resteront ouvertes, mais personne ne sera là ! L’Église ne saura jamais s’inscrire dans cette dynamique de reconnaissance.
L’issue de ce Synode n’offre aux catholiques que de l’indécision. Je connais très bien les rouages du système. Cette situation me rappelle la lenteur étouffante de cette institution qui s’éloigne de la vie réelle, celle où les femmes jouent un rôle central dans la transmission de la foi, l’éducation spirituelle et la charité active. Que le pape François lui-même, chantre de l’ouverture, ait validé cette prudence navrante montre bien la complexité des enjeux et des résistances. Je ne crois plus en une Église qui prône le dialogue… de Synode en Synode… toutes les promesses sont creuses. On se congratule… on s’applaudit… on se loue les uns les autres… on se flatte… on complimente les intervenants, et pendant ce temps, les églises continuent de se vider, et le petit peuple catholique insignifiant reste dans le désarroi et la souffrance. Qui peut croire que le Synode sur la synodalité aurait pu être un tournant décisif ? L’Église ne trouvera pas le vrai courage de se tourner vers les blessés de la vie… Quelle lumière apportera-t-elle aux laissés-pour-compte, même aux non-croyants ?
Voici le passage de Luc 10, 38-42 dans la version de la Bible de Jérusalem :
Comme ils étaient en route, il entra dans un village. Une femme, nommée Marthe, le reçut. Elle avait une sœur appelée Marie, qui, s’étant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole. Marthe, elle, était absorbée par les multiples soins du service. Intervenant, elle dit : « Seigneur, cela ne te fait rien que ma sœur me laisse seule pour servir ? Dis-lui donc de m’aider. » Mais le Seigneur lui répondit : « Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et t’agites pour bien des choses ; une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée. »
En permettant à Marie de s’asseoir à ses pieds, un geste réservé aux disciples masculins, Jésus renverse les conventions sociales et religieuses de son temps. Ce passage montre que le Christ ne restreint pas les femmes dans leur désir de s’approcher de Dieu, de comprendre ses paroles et même de le servir. Ce verset est un appel à la reconnaissance de la dignité de toutes et tous dans leur engagement pour l’Évangile, sans discrimination de genre.
Didier Antoine
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