
Journal d'un catholique libertaire
Qui a pris ses distances vis à vis de l'Eglise, de sa hiérarchie et de son pouvoir
Présentation de ma spiritualité : Une foi réinventée de la ferveur à la distance
Page publiée le 7 novembre 2024
La foi est un chemin parfois sinueux, jalonné de rencontres lumineuses mais aussi de désillusions profondes. Voici l’histoire de mon parcours spirituel qui a trouvé sa voie au-delà des structures de l’Église.
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Mon parcours spirituel est marqué par plusieurs rencontres, principalement avec des personnes exceptionnelles que j’ai rencontrées au sein de la Mission Ouvrière Saints Pierre et Paul (MOPP) fondée par Jacques Loew. Ce prêtre et apôtre infatigable de l’Église a sans doute plus que quiconque incarné la vocation de porter l’Évangile là où il ne se trouvait plus… où il n’était plus audible. C’est auprès des équipiers (des religieux) de cette mission que j’ai trouvé des frères, de véritables témoins de la foi, animés d’une passion ardente pour la Parole de Dieu.
Converti à l’âge de vingt ans, c’est au cœur d’une jeunesse marquée par des épreuves que j’ai trouvé la lumière de l’Évangile. Mon adolescence fut troublée par la maladie de ma mère, qui pesait comme une ombre persistante, envahissant mes jours d’inquiétude et de tristesse. J’avais un jeune frère placé aux Orphelins Apprentis d’Auteuil (OAA). Mon père ne souhaitait pas nous reprendre… nous l’encombrions, lui qui avait refait sa vie avec une femme et un jeune de mon âge… cela a été dur, mais c’est ainsi. Cette réalité faite de fragilité et de lutte m’a poussé très tôt à chercher un sens profond à la vie, quelque chose de plus solide que les réponses faciles ou les réconforts passagers.
Les écrits de Jacques Loew et de Madeleine Delbrêl ont été pour moi des compagnons de route indispensables dans mon cheminement. Ils ont affiné mon regard, nourri ma réflexion, et surtout ils m’ont permis de plonger dans une foi vivante, ancrée dans le réel. Pendant seize ans, les équipiers de la MOPP ont eu la responsabilité de la paroisse de mon secteur. En communauté, nous avons scruté les enseignements de notre Seigneur Jésus. Nous avons plongé dans la richesse des textes grecs et hébraïques pour en extraire une sève qui nourrissait notre esprit.
Ce travail, patient et exigeant, mené au fil des ans dans une quête incessante de sens et d’authenticité, a forgé en moi une compréhension profonde de la Bonne Nouvelle de notre Seigneur Jésus. Cette compréhension dépasse les simples mots… elle ne se limite pas aux versets appris, aux enseignements mémorisés et aux doctrines affirmées. Elle s’est ancrée dans mon être comme une sagesse vivante, une réalité qui se traduit dans mes gestes quotidiens, dans l’attention que je porte aux autres. S’imprégner de l’Évangile de cette manière m’a révélé que la véritable foi n’est pas un savoir intellectuel mais un appel à incarner ces valeurs dans chacune de mes actions.
Quand la Foi Vivante Rencontre les Réalités de l'Institution
C’est ainsi que la Bonne Nouvelle de notre Seigneur s’est faite en moi… dynamique, toujours en mouvement, résonnant comme un appel constant à transformer mes propres faiblesses en lieux de partage et mes forces en instruments de paix et de bienveillance. Dans cette découverte, j’ai compris que l’Évangile prend toute sa puissance lorsqu’il descend du texte pour s’inscrire dans mon être, dans ma chair, et chaque jour, lorsqu’il me pousse à aimer sans condition, à servir sans réserve et à préserver cette parole dans une quête sincère de vérité.
L’Évangile est devenu un guide tangible… une lumière qui éclaire mes pas, me rappelant que la Bonne Nouvelle de mon Seigneur Jésus est avant tout un chemin de vie, une route certes exigeante mais profondément libératrice.
Parallèlement à cela, j’ai été salarié permanent durant vingt-trois ans au sein de deux institutions catholiques. J’ai même eu des responsabilités dans mon diocèse en tant que bénévole. Bien que fervent et animé d’une foi sincère, j’ai découvert avec le temps les failles et les contradictions de certaines structures ecclésiales. Derrière l’apparente solidité de l’institution, j’ai été confronté à une réalité bien plus complexe, parfois cruelle, où l’intransigeance et la rigidité de la hiérarchie catholique semblaient prendre le pas sur l’humilité et la compassion pourtant prônées par l’Évangile. Cette hiérarchie, pourtant appelée à servir et à porter le message d’amour et de miséricorde du Seigneur Jésus, s’est révélée, à de nombreuses reprises, sourde à la souffrance des fidèles et insensible aux besoins de transparence et de justice.
Traverser les ténèbres des exactions et des abus et retrouver la lumière
Les abus sexuels et leur gestion lamentable par des dirigeants souvent plus préoccupés par la préservation de l’image de l’institution que par le bien-être des victimes ont laissé en moi un sentiment de trahison. J’ai entendu des témoignages de vies brisées, de silences imposés, de vérités étouffées. Mais il y a aussi d’autres abus, des sévices corporels… dans les pensionnats religieux, des enfants éduqués à coups de triques, de ceintures, des châtiments odieux, traumatisants. J’ai lu aussi des témoignages à cet effet. De terribles sévices également dans les pensionnats de jeunes filles… certaines religieuses ont été de véritables bourreaux, il ne faut pas l’oublier.
Ce déni pendant des dizaines d’années… cette incapacité à affronter la vérité et à réformer en profondeur a mis en lumière une hiérarchie plus attachée à sa préservation qu’à la justice et à la vérité.
J’ai été également témoin d’abus de pouvoir de l’élite laïque conservatrice de l’Église catholique. Des femmes et des hommes qui se cooptent entre eux. Un petit groupe, presque dénombrable sur les doigts d’une main, fait la pluie et le beau temps avec leurs décisions autoritaires. Il y en a d’autres, plus discrets, infiltrés dans des associations, des fondations et des mouvements. Avec eux, le dialogue n’a pas sa place, et les avis contraires sont écartés, éjectés… ce fut mon cas.
Mon parcours professionnel s’est interrompu brusquement lorsque j’ai été licencié par une institution catholique. Ce licenciement violent et brutal, parce que je disais tout haut ce que les gens pensaient tout bas, a déclenché en moi une profonde crise, me plongeant dans une dépression douloureuse qui a duré près de trois ans et dont je porte encore aujourd’hui des séquelles. J’ai même eu, durant cette dure période, des pensées suicidaires. Cette blessure, je l’avoue, a ébranlé ma foi et m’a conduit à prendre de la distance vis-à-vis de l’Église et des communautés. Pendant un an, j’ai été incapable de lire l’Évangile… Trop meurtri, trop épuisé par cette épreuve. L’enthousiasme de ma jeunesse semblait éteint, et je doutais même de pouvoir un jour retrouver ce souffle intérieur qui m’avait jadis guidé.
C’est grâce à la méditation de pleine conscience que j’ai commencé à entrevoir une possible guérison. Peu à peu, j’ai pu me sevrer lentement de mes antidépresseurs et de mes anxiolytiques. Au fil du temps, à travers le silence, des exercices de respiration et l’écoute intérieure de la Parole de Dieu, j’ai senti renaître en moi une foi plus sereine, débarrassée des illusions et des attentes déçues. Mon entourage (mon épouse et mes enfants) a été d’un soutien indéfectible, jouant un rôle essentiel dans ce long chemin de réconciliation avec moi-même et, d’une certaine manière, avec Dieu.
Cheminer en solitude vers l’essentiel
Aujourd’hui, ma spiritualité est sans doute plus libre, plus personnelle. Je suis toujours habité par l’Évangile. Dans mon for intérieur, je suis resté « Moppiste » (Mission Ouvrière Saints Pierre et Paul), mais j’ai choisi de m’éloigner des structures hiérarchiques de l’Église, que je considère comme des lieux de pouvoir plus que de service. Ce retrait n’a pas altéré mon amour pour le message de notre Seigneur Jésus, bien au contraire. Mon engagement prend désormais d’autres formes, plus discrètes, plus intimes. En parcourant ce chemin, j’ai appris que la foi, loin des apparences, peut se vivre intensément dans le silence, loin des assemblées… dans l’écoute et le regard posés sur ceux qui souffrent. Elle est devenue pour moi un appel intérieur, un chemin qui guide mes pas… un chemin plus lumineux depuis que je marche à distance des institutions humaines qui prétendent détenir la vérité. Aujourd’hui, je vis ma foi dans ma sphère privée. Je ne vais plus à la messe, les assemblées m’angoissent… je n’arrive plus à apaiser mon esprit.
Je prie chez moi, dans ma sphère privée ; je médite chaque jour la Parole de Dieu sans intermédiaire, seulement par l’intercession du Seigneur Jésus. Je ne prie plus les saints, même la Vierge Marie… non par manque de respect ni par indifférence à leur sainteté, mais parce que j’ai ressenti le besoin de simplifier, de dépouiller ma foi pour aller à l’essentiel. Pendant des années, j’ai invoqué des saints… des dizaines… peut-être plus. Chacun a son histoire et ses caractéristiques : pour les causes désespérées, les situations impossibles, les familles en difficulté, les missions, la maladie d’un proche, l’infertilité d’une amie, les personnes persécutées, les personnes pauvres, les éducateurs, ceux qui souffrent d’addiction, les médecins. La liste n’est pas exhaustive. Les saints et leur patronage sont vastes… à chacun son saint. Je les ai priés pour me guider et pour intercéder auprès de Dieu. Je les ai priés au moment de mes doutes et de mes peurs. Je leur adressais mes supplications comme si chacun, à sa manière, portait mes requêtes au ciel. Je ressentais une certaine confusion, comme si mon esprit s’éparpillait dans une multitude de directions, incapable de trouver la paix dans une prière trop éclatée.
Un retour à Dieu dans la simplicité et l’intimité
Cette dispersion spirituelle, bien qu’empreinte de sincérité, m’a épuisé intérieurement. Mon esprit vagabondait dans tous les sens. J’en venais à me demander si je n’étais pas en train de m’éloigner de l’essentiel, de cette relation directe avec Dieu. J’avais perdu de vue que la foi, au-delà des rites et des figures vénérées, est avant tout un dialogue intime, un cœur à cœur avec Dieu… et au-delà… le souffle de Dieu (רוּחַ, rouach en hébreu). Quand Dieu insuffle dans les narines de l’homme (Genèse 2, 7) pour le rendre vivant, c’est également « le rouach » qui insuffle l’âme et la vitalité. Et nous retrouvons dans l’Évangile de Jean 20, 22 : « Jésus souffla sur ses disciples et leur dit : Recevez l’Esprit-Saint. » Je sentais le besoin d’une profonde connexion plus directe, plus personnelle, sans médiation autre que son Fils unique, le Seigneur Jésus… comme un retour aux sources, vers une foi plus authentique.
Depuis ma forte dépression, j’ai repris le chemin de la foi en me tournant exclusivement vers Dieu. Curieusement, cette décision a été plus facile que je l’imaginais. Mes habitudes d’avant, ébranlées par cette violence reçue de l’institution pour laquelle je travaillais… cette violence m’a offert une liberté spirituelle nouvelle, une clarté d’esprit et de paix. En centrant ma prière uniquement sur Dieu, en lui demandant chaque jour, à lui seul, d’insuffler en moi son « souffle de vie » qui ravit mon âme et mon énergie, je retrouve une force et une profondeur que je n’avais jamais ressenties. Le Seigneur Jésus est pour moi le chemin direct vers Dieu, le Père, celui qui connaît mes faiblesses et mes épreuves, celui qui porte mes prières dans leur plus grande simplicité… sans détours… sans artifices.
Ce n’est pas que les saints aient perdu leur importance pour moi ; je les admire toujours pour leur témoignage, leur vie de foi et leur dévouement. Ils sont devenus pour moi des exemples inspirants… au même titre que des gens ordinaires que j’ai connus dans ma vie… des personnes dévouées aux autres, pleines de compassion et d’amour, y compris des prêtres, des religieux et des religieuses… je ne leur demande pas d’intercéder, je leur dis merci quand l’occasion se présente.
Mon cœur et mon esprit sont désormais orientés vers l’Unique source de toute lumière et de toute grâce : Dieu lui-même, avec pour guide et intercesseur son Fils unique, le Seigneur Jésus… Dieu qui s’est fait homme et qui a donné sa vie pour nous sauver.
Dans l’Évangile de Marc chapitre 9, verset 35 : « Jésus s’assit, appela les Douze, et leur dit : Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. »
Par ces mots, Jésus redéfinit la notion de commandement dans la foi chrétienne, renversant la hiérarchie du pouvoir en faveur du service. Il souligne que la véritable grandeur ne réside pas dans l’autorité ou la domination, mais dans l’humilité et le service aux autres. Ce message contraste fortement avec le comportement de certains membres de la hiérarchie ecclésiastique et laïque qui recherchent pouvoir et prestige, souvent aux dépens de ceux qu’ils sont censés servir. Cet enseignement rappelle que l’essence de la foi réside dans le service désintéressé et l’amour du prochain, non dans la quête de statut ou de pouvoir.
Didier Antoine