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Notre-Dame de Paris : Péage ou sacrilège, le dilemme de la marchandisation du sacré

25 octobre 2024

La proposition récente de Rachida Dati visant à instaurer un droit d'entrée pour les touristes visitant la cathédrale Notre-Dame de Paris suscite une réaction contrastée, oscillant entre scepticisme et pragmatisme.

Le projet, qui ambitionne de financer un vaste programme de sauvegarde du patrimoine religieux chrétien en France, apparaît à première vue légitime, voire nécessaire, compte tenu de l'état préoccupant de nombre d'édifices cultuels à travers le pays. Mais, en tant que catholique libéral ayant pris mes distances avec l'Église institutionnelle, je ne puis m'empêcher de ressentir une certaine gêne face à cette initiative.

Il convient tout d'abord de reconnaître que le phénomène de la tarification des visites dans les monuments religieux n'est nullement inédit en Europe. À Valence, à Malaga, et même à Paris dans la basilique de Saint-Denis, les entrées payantes se sont peu à peu imposées comme une réalité pour les visiteurs. La Sagrada Familia, œuvre emblématique de Barcelone, n'échappe pas à cette règle. Faut-il alors considérer l'instauration de ce droit d'entrée comme une fatalité ou même une simple adaptation aux pratiques contemporaines du tourisme culturel ? Il semblerait que ce soit le cas, tant la pression financière s'exerce de façon croissante sur le patrimoine religieux, auquel il est de plus en plus difficile d'assurer une préservation digne de sa valeur historique et artistique sans ressources substantielles.

Cependant, il serait naïf, voire dangereux, de réduire cette question à une simple équation économique. Les cathédrales, basiliques et autres églises ne sont pas de banals musées ; ce sont des lieux de culte, des espaces sacrés, dont la vocation première n'est pas d'être des attractions touristiques, mais d'accueillir les fidèles et de témoigner d'une transcendance. En instituant un péage à l'entrée de Notre-Dame, il y a un risque de réifier ces lieux saints, de les réduire à des objets de consommation culturelle déconnectés de leur fonction spirituelle originelle. La marchandisation du sacré est un écueil contre lequel il faut demeurer vigilant.

Il convient d'ailleurs de se demander si ce projet ne reflète pas, de manière plus générale, le malaise d'une société sécularisée qui peine à assumer l'héritage chrétien dont elle est pourtant redevable. Face à la désertion des églises et à l'affaiblissement de la pratique religieuse, la tentation est grande de faire du patrimoine religieux un simple enjeu de politique culturelle. On parle de sauvegarde du patrimoine, certes, mais pour sauvegarder quoi, au juste ? La pierre et le marbre, certes, mais qu'en est-il de la foi, du sens profond de ces édifices ? La réponse ne peut se limiter à des logiques budgétaires.

En tant que catholique libéral, je crois que l’Église doit, certes, trouver des solutions innovantes pour entretenir son patrimoine, mais sans jamais sacrifier son âme sur l’autel du mercantilisme. Il est nécessaire que les fonds collectés soient intégralement et rigoureusement affectés à la restauration des édifices religieux les plus modestes, ceux qui n’ont pas la renommée mondiale de Notre-Dame, mais qui n’en sont pas moins précieux pour le tissu spirituel et culturel local. Les églises de village, les chapelles oubliées, les petits sanctuaires sont tout aussi dignes d’attention que les grandes cathédrales. Le risque est grand de voir cet argent dévoyé à des fins fiscales, voire d'assister à une gestion bureaucratique éloignée des besoins concrets du patrimoine religieux.

Enfin, cette proposition pourrait être l’occasion pour l’Église de repenser son rapport à la société, de redéfinir la frontière entre sacré et profane. Plutôt que de se contenter d’instaurer des droits d’entrée, pourquoi ne pas imaginer des formes de contributions volontaires, des partenariats avec les collectivités locales et les mécènes, voire des initiatives participatives qui redonneraient aux fidèles et aux habitants un rôle actif dans la sauvegarde de leur patrimoine ? Il s'agirait non seulement de protéger la pierre, mais de renouer avec le sens d’une communauté chrétienne vivante, même si je m’en suis éloigné, capable de témoigner de sa foi non pas dans la passivité de la consommation culturelle, mais dans l’engagement pour la préservation d’un bien commun.

En définitive, si la proposition de Rachida Dati mérite considération, elle doit être accompagnée de la plus grande prudence. Il ne s'agit pas seulement de collecter des fonds, mais de préserver le sens et la vocation profonde de notre patrimoine religieux. La sauvegarde des pierres doit s’accompagner de la sauvegarde de l’esprit. À défaut, nous risquerions de transformer nos cathédrales en simples reliques de notre passé, vidées de la sève spirituelle qui les a portées à travers les siècles.

Notre Seigneur Jésus disait à ses disciples « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement. » (Matthieu 10, 8) Ce verset rappelle que le don de Dieu et la grâce sont offerts sans condition. À l'heure où l'on envisage de faire payer l'accès aux lieux sacrés, il invite à réfléchir sur l'importance de préserver la gratuité de ce qui est sacré et de ne pas transformer les trésors spirituels en objets de commerce.

Didier Antoine

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